[FESTIVAL] : L'Étrange Festival 2018
Et on vous le donne en mille, la programmation fut franchement excellente...
Du 06 au 16 septembre 2018, s'est tenue une nouvelle édition de l'Étrange Festival, qui fait chaque année office de rentrée des classes méchamment bordélique et jouissive pour tous les cinéphiles - mais pas que - amateurs de bizzareries et de trashouilleries filmiques en tous genre.
Riche en péloches franchement barrées, cette cuvée 2018 nous aura ce qu'il faut de séances savoureuses pour en ressortir la banane aux lèvres, et nous faire réaliser que " the place to be " en cette peu enthousiasmante rentrée des classes, était bel et bien le Forum des Images.
Voici un petit morceau choisi de ce qu'il fallait voir - ou pas -, mais surtout de ce que l'on a pu voir (définitivement pas assez de films), durant ces dix petits jours définitivement pas assez long.
THREAD de la mort 💀💀💀 (trop pas) de l'Étrange Festival édition 2018 (thread que j'aurais dû commencer il y a cinq jours en fait hein...).— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 9 septembre 2018
Quitte à clairement assumer le statut de no-life, on va se lancer le pari de voir 80% de la sélection (keep dreaming). #EtrangeFestival pic.twitter.com/R2QPXWwK9O
Le fin du fin qui se déguste sans faim
(©)ORION PHOTOS |
On commence doucement mais sûrement avec le film d'ouverture, le jubilatoire Anna and The Apocalypse de John McPhail, petit B movie qui transpire tellement l'enthousiasme pour le cinéma de genre qu'il en devient instinctivement génial, avec son histoire totalement barré, entre Glee (pour le côté teen movies/comédie musicale aux ballades ironiques entêtantes) et Shaun of The Dead (pour le côte bande horrifique référencée, gore et fun), qui voit des adolescents lutter contre une invasion zombies en pleine vacances de Noël.
(Notre critique ici).
Petite bulle de légèreté venue tout droit d'Espagne, on continue avec le sublime Up Among The Stars de Zoe Berriatúa (petit protégé d'Alex de la Iglesia), qui pour son second essai derrière la caméra nous offre un (très) beau drame mélancolique et surréaliste, pur conte autant initiatique que rédempteur sur le deuil (physique et de l'enfance), la relation père/fils, la désilusion des rêves perdues mais aussi de l'amour du septième art dont l'inventivité et la singularité citent instinctivement la maestria bricolée des péloches barrées de Terry Gilliam et Tim Burton.
(Notre critique ici).
Passé par la case Cannes, et alors que le Festival permettait également aux spectateurs de découvrir ses précédents essais, La Tendre Indifférence du Monde d'Adilkhan Yerzhanov a lui aussi su, sans trop faire de bruits, tirer son épingle du jeu pour incarner l'une des projections les plus marquantes de cette cuvée 2018.
Fable douloureuse articulée autour d'un amour Shakespearien, la péloche est un bijou de drame sublimé par une esthétique grandiose, tant Yerzhanov visualise son oeuvre non pas comme un simple film, mais bien comme une pluie de peintures couchées sur la pellicule.
Marquant mais surtout terriblement grandiose.
(Notre critique ici).
Toujours dans la section " passé par Cannes ", impossible de ne pas mentionner le fiévreux Climax de Gaspar Noé.
Même s'il n'atteint pas la maestria viscérale des anciens essais de son merveilleux cinéastes (on pourrait même le catégoriser de " film mineur ", c'est dire), n'en est pas moins une grosse claque, un constat brutal et hypnotique d'une humanité étouffée sous le poids de ses propres tares et pulsions, dominée par une Sofia Boutella incendaire.
Un film intense donc mais comme dit plus haut, auquel il manque cruellement la radicalité sans bornes des précédents films de Noé.
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Toujours côté cinéma français, il ne faudra décemment pas manquer en salles la sortie du second long-métrage de Sébastien Marnier (Irréprochable), L'Heure de la Sortie, une oeuvre anxiogène et paranoïaque sur un choc générationnel citant gentiment Kafka (La Métamorphose) et John Carpenter (Le Village des Damnés), un drame social tendu tout du long et profondément fantastique qui glisse irrémédiablement vers la fable écolo pertinente.
Un put*** de must-see.
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Toujours tout droit venue de la Croisette - et non sans un brouhaha conséquent -, le dernier film en date de Lars Von Trier, le bien (bien) dark The House That Jack Built avec un Matt Dillon effrayant, bourré de TOC et totalement habité par son rôle (sans doute l'une de ses meilleures performances à ce jour).
Fresque comico-métaphysique violente - aussi bien moralement que physiquement -, profondément provocatrice, grinçante et dérangeante, le cinéaste nous place au coeur (jusque dans sa mise en scène brute) de la perdition mentale d'un homme malade pour étayer son questionnement profond (l'art peut-il/doit-il déranger ?) et dépeindre une image nauséabonde de la nature humaine, jusque dans un épilogue dément.
Bref, LVT est de retour, et c'est une sacrée bonne nouvelle.
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Attendu dans les salles obscures hexagonales d'ici le 03 octobre prochain, impossible de ne pas mentionner le trip intense face à la vision du très bien foutu Upgrade de Leigh Whannell.
Nerveux, brutal, référencé à mort (Robocop en tête) et d'une cruauté rare, porté la prestation habitée d'un Logan Marshall-Green transcendé, il est un de ces bouillants thrillers SF/cyberpunk qui cherche constamment à marquer la rétine de son impact, au point qu'il fait (très) très souvent mouche avec très peu d'artifice et une intelligence rare.
Foncez le voir en salles d'ici le mois prochain, vraiment.
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Et enfin, ce qui peut servir à la fois comme un plat de résistance et un dessert : le formidable A Vigilante de Sarah Daggar-Nickson (dont c'est le premier long).
Autant drame poignant sur une justicière incroyable et crédible qui tente de se reconstruire (sublime Olivia Wilde), que vrai thriller violent et tendu d'une sincérité et d'un naturel bouleversant, la bande est un put*** d'uppercut que l'on ne voit absolument pas venir, et dans lequel la merveilleuse Olivia Wilde, impliquée comme rarement, y trouve le plus plus beau rôle de sa carrière.
(Notre critique ici).
Bonjour le vieux continent
Au-delà des petites pépites cités plus haut (Up Among The Stars, Anna and The Apocalypse et La Tendre Indifférence du Monde), force est d'avouer que le cinoche européen a plutôt bien joué des coudes avec celui venu d'Asie, tout en dépassant clairement de la tête et des épaules, celui plus pauvre peut-être, venu d'Amérique.
Pour preuve le douloureux Utoya, 22 Juillet, inspiré du du 22 juillet 2011 orchestrée par le terroriste d'extrême-droite Anders Breivik, qui tua 69 jeunes (plus de 100 autres seront blessés) dans le camp de vacances de la Jeunesse travailliste norvégienne (après en avoir tué 8 auparavant lors d'un attentat à Oslo).
Beaucoup à dire sur le choc frontal qu'incarne cette séance, vraie odyssée brutale et perturbante façon plan-séquence au coeur du chaos.
Poppe partage son point de vue de la tuerie, il ne conviendra pas à tous les spectateurs, reste qu'il sera bien dur de se remettre de son plan final...
(Notre critique ici).
Belle claque également du côté de l'Autriche avec le premier passage (décidémment) derrière la caméra de Justin P. Lange, The Dark, rejeton assumé du formidable Morse dont il s'inspire de manière plus ou moins marquée avec son histoire d'amitié enfantine singulière, croquée avec une délicatesse rare doublée d'une vision du genre zombiesque étonnante - et pas si éloignée de celle offerte par le récent Maggie avec Schwarzie.
Une jolie bande horrifique d'une maîtrise rare, repectant les codes du genre avec malice, d'une intrigue horrifique originale et touchante à une gestion de ses effets et de la tension incroyable, en passant par une esthétique léchée, tout transpire la volonté d'offrir une oeuvre racée et élégante.
(Notre critique ici).
"Luz" © D.R. |
Pure bande horrifique à l'univers chaotique sincèrement hypnotique, férocement old school autant dans ses références que sa facture très bis rital, Luz, vrai tour de force sensoriel et esthétique visant intelligemment l'épure en prenant le parti pris d'un pitch simpliste pour mieux lui offrir une exposition extraordinaire et totalement hors du temps, est une intense et audacieuse expérience de cinéma qui s'amuse continuellement à perdre son auditoire pour mieux le fasciner et le marquer durablement.
(Notre critique ici).
Credit: Kew Media |
On termine le mini tour d'Europe avec le très sombre Perfect Skin de Kevin Chicken, sur un tatoueur londonien kidnappant une pauvre jeune polonaise, pour en faire sa toile humaine parfaite.
Vraie bande d'horreur malsaine exempt de toute folie/violence gore ou sexuelle, autant qu'il est un thriller psychologique brutal, le film invoque le cinéma charnel Clive Barker et incarne un petit moment de cinéma aussi perturbant qu'il est terrifiant (immense Richard Brake)
(Notre critique ici).
Born in Asia
La programmation asiatique a toujours eu une place non négligeable à l'Étrange Festival, et cette année encore, le rendez-vous fut loin d'être décevant.
Passé par Cannes un peu dans l'indifférence générale - comme La Tendre Indifférence du Monde, au titre ironique pour le coup -, The Spy Gone North de Yoon Jong-bin aurait pourtant mérité un poil plus de buzz.
Péloche d'espionnage suivant le parcours tortueux d’un agent des services de renseignements sud-coréens envoyé jouer les taupes chez l'ennemi du Nord, histoire de récolter des informations sur le programme nucléaire de Kim Jong-il; Gonjack - titre en v.o - est un sommet de thriller cérébral et intense, une oscultation complexe et loin d'être binaire certes très bavard (mais surtout très informatif) et un poil étiré sur la longueur - près de 2h30 au compteur - mais qui a le mérite de constamment replacer le conflit géopolitique Coréen (plus souple depuis peu) à hauteur d'hommes.
(Notre critique ici)
Moins défendable, le second film du fantasque Ujicha, Violence Voyager, a lui aussi pointé le bout de son nez un poil pervers.
Bordélique et délirant - dans tous les sens du terme -, aussi grotesque qu'il est volontairement borderline et excessif, le film incarne un véritable fourre-tout conventionnel et référentiel, potache mais surtout souvent indécent et à la facture visuelle originale mais déroutante à la fois, tant elle créée une distance constante avec le spectateur - empêchant de facto toute empathie -, essentielle cela dit pour accepter une partie de la violence montrée à l'écran.
Une grosse déception aux vues de son pitch accrocheur.
(Notre critique ici).
Ce n'est pas forcément l'Asie mais plus l'Océanie (on triche, et alors ?), mais pour une fois qu'une anthologie horrifique en vaut la peine, grosse mention positive donc pour The Field Guide of Evil concocté par une belle bande de cinéastes prometteurs (Ashim Ahluwalia, Can Evrenol, Veronika Franz, Severin Fiala, Katrin Gebbe, Calvin Reeder, Agnieszka Smoczynska, Peter Strickland et Yannis Veslemes).
Se voulant comme une étude ludique et universelle sur le thème de la peur pouvant convenir à tous les palais cinéphiliques, l'anthologie brille par son équilibre étonnant et séduit par la bizzarerie charmante de son contenu, unique et esthétiquement léché. Une belle surprise.
(Notre critique ici).
"Killing" © D.R. |
De retour avec une péloche plus fantastique qu'horrifique, l'excellent Shinya Tsukamoto a sensiblement fait sensation avec son dernier long, Killing, chanbara intimiste façon trip mystico-poétique à l'esthétique naturaliste, offrant un regard crepusculaire sur les dernières heures d'un mythe légendaire autant qu'une interrogation fascinée sur la violence et la mort.
Le dernier bijou du papa de Tetsuo ne va jamais où on l'attend et, avouons-le, c'est très bien comme ça.
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Reality Entertainment/Viva Films |
Un B movie aussi bancal et prévisible qu'il est généreux et gore à souhait, un gros bordel sans nom violent et ultra-référencé au final culotté et au propos social volontairement fataliste, qui envoie sacrément du pâté si omet volontairement tous ses (gros) travers.
(Notre critique ici).
Et Pendant ce temps-là, en Amérique...
Moins mis en valeur que ses petits camarades, le cinéma américain (et pas seulement US) peut au moins se targuer d'avoir balancé quelques péloches hautement recommandables - A Vigilante en tête.
Quoi qu'en diront certains, le second passage derrière la caméra de Panos Cosmatos est peut-être ce que ce bon vieux Nicolas Cage nous a offert de plus jouissif et remarquable ces dernières années, entre deux DTV difficilement défendables (ironique, quand on sait que Mandy sera justement, un film balancé directement sur le marche dé la vidéo dans l'hexagone).
Revenge movie absurde (mais dans le bon sens) et contemplatif scindé en 2 parties, entre thriller psychédélique et orgie barbare, porté par des partis pris couillus et une personnalité franchement singulière, Mandy est un B movie aussi dégénéré et jubilatoire qu'il est référencé à mort.
Indiscutablement le gros plaisir coupable de la sélection 2018
(Notre critique ici).
Mention très bien notamment à l'exigeant Meurs, Monstre, Meurs d'Alejandro Fadel.
Thriller gore au cadre sauvage (l'envoutantes et hypnotique Cordillère des Andes) glissant peu à peu vers le polar articulé autour d'une intrigue labyrinthique et surnaturelle volontairement nébuleuse; le métrage, dont le mélange des genres trouble autant qu'il séduit, est une expérience sensorielle étonnamment hypnotique.
(Notre critique ici).
The Nightshifter – Dennison Ramalho (Source : Bloody Disgusting) |
Difficile en revanche, d'être plus enthousiaste à la vision du premier long-métrage du wannabe cinéaste brésilien Dennison Ramalho, The Nighshifter qui, malgré un pitch accrocheur, ne va jamais réellement au bout de ses promesses.
Chronique d'une déchéance à tous les niveaux un brin fourre-tout, n'allant jamais réellement à l'essentiel et nous laissant tout du long cruellement sur notre faim, la bande est une belle déception sans pour autant être un tâcheron sans nom.
(Notre critique ici).
TOP 10 du festival
1. A Vigilante de Sarah Daggar-Nickson
2. La Tendre Indifférence du Monde d'Adilkhan Yerzhanov
3. Upgrade de Leigh Whannell
4. L'Heure de la Sortie de Sébastien Marnier
5. Killing de Shinya Tsakumoto
6. The Dark de Justin P. Lange
7. The House That Jack Built de Lars Von Trier
8. Anna and The Apocalypse de John McPhail
9. Mandy de Panos Cosmatos
10. Up Among The Stars de Zoe Barritua
Jonathan Chevrier