[CRITIQUE] : Utoya, 22 juillet
Réalisateur : Erik Poppe
Acteurs : Andrea Berntzen,...
Distributeur : Potemkine Films
Budget : -
Genre : Thriller, Drame
Nationalité : Norvégien
Durée : 1h33min
Synopsis :
Une reconstitution du massacre d'Utøya en Norvège le 22 juillet 2011.
Critique :
Beaucoup à dire sur le choc frontal qu'incarne #Utoya22juillet, odyssée brutale & perturbante façon plan-séquence au ❤ du chaos.— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 6 septembre 2018
Poppe partage son point de vue de la tuerie, il ne conviendra pas à tous les spectateurs, reste qu'il sera bien dur de se remettre de son plan final.. pic.twitter.com/RJuXcUKcOu
Avant même l'entrée en salles, Utoya, 22 juillet d'Erik Poppe, est de ces rares péloches qui ont tout en elle, pour créer un profond malaise dans la psyché de son auditoire.
En effet, avant que Paul Grengrass ne pose sa vision sur le sujet d'ici le mois prochain sur Netflix, le film de Poppe nous plonge en plein coeur de la tuerie du 22 juillet 2011 orchestrée par le terroriste d'extrême-droite Anders Breivik, qui tua 69 jeunes (plus de 100 autres seront blessés) dans le camp de vacances de la Jeunesse travailliste norvégienne (après en avoir tué 8 auparavant lors d'un attentat à Oslo).
Un sujet furieusement cinématographique tout autant qu'il est profondément amoral, et dont on peut éternellement discuter la légitimité, même venant de la part d'un cinéaste aussi estimé que peut l'être le papa d'Hawaï, Oslo et Troubled Water.
Car au-delà de son sujet douloureux et terrifiant (ici apolitique et basé sur des témoignages de survivants, à la différence du film de Greengrass), même la forme que revet le film, plan-séquence en temps réel (72 interminables minutes, la durée supposée de la tuerie avant l'arrivée tardive de la police) et tétanisant, totalement centré sur son héroïne (bouleversante Andrea Berntzen), une actrice inconnue - comme tout le casting -, pour mieux renforcer le naturalisme de son oeuvre (mais également l'immersion et l'empathie du spectateur), a de quoi dérouter autant qu'impressionner; dérouter puisque Poppe ne parvient jamais réellement à rendre convaincant - ni clair - son point de vue, à la différence d'un Gus Van Sant par exemple, pour le formidable Elephant (vision hors du temps d'une tragédie qui pointe tout du long son nez tel un orage menaçant, avant d'exploser avec violence au visage du spectateur).
Cherche t-il à nous proposer une oeuvre cathartique visant à nous faire ressentir de plein fouet l'horreur que peut créer la folie et la noirceur de l'âme humaine, pour mieux nous faire réagir ?
Nous interroger dans notre rapport au voyeurisme et à la violence à l'écran ?
Nous rappeler à une horreur bien réelle (ce qui n'aidera considérablement pas le processus de guérison des victimes et de leurs proches), de plus en plus présente dans l'actualité, où les tueries terribles sont devenus légion ?
Un pari partiellement réussi tant Utoya, 22 juillet est un film éprouvant, brutal et perturbant à tous les niveaux (comme son final, vrai/faux happy end dont il sera bien difficile de se remettre), qui en montre autant qu'il en cache au spectateur, une péloche certainement louable sur le fond (prendre le parti des victimes et non du tueur, ce qu'aurait privilégié la majorité des productions) et techniquement puissante, mais dont la légitimité/nécessité et les bonnes intentions seront constamment remis en doute.
Le problème de tout film - ou presque - prenant pour toile de fond un tel sujet...
Jonathan Chevrier