Breaking News

[CRITIQUE] : Life of Chuck


Réalisateur : Mike Flanagan
Acteurs : Tom Hiddleston, Chiwetel Ejiofor, Karen Gillan, Mia Sara, Mark Hamill, Jacob Tremblay, Carl Lumbly, Benjamin Pajak, Matthew Lillard, Kate Siegel,...
Distributeur : Nour Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h51min.

Synopsis :
La vie extraordinaire d’un homme ordinaire racontée en trois chapitres. Merci Chuck !




Marty Anderson mène une vie des plus ordinaires, jusqu’au jour où tout part en vrille : le Wi-Fi disparaît, des crevasses béantes avalent des pans entiers des États-Unis, et un étrange visage, celui d’un certain Chuck, s'affiche partout sur d'immenses panneaux publicitaires. Le chaos s’installe, mais la vie, elle, continue. 
Mike Flanagan, fidèle adaptateur de Stephen King, revient avec Life of Chuck, tiré de la nouvelle éponyme parue en 2020 dans le recueil Si ça saigne. Ici, pas de terreurs surnaturelles à la Doctor Sleep ou terre à terre à la Jessie. Le cinéaste prend un virage plus intime, plus introspectif. Un drame à la fois tendre et métaphysique, sans pour autant renier son obsession pour la maison hantée qui fait une nouvelle apparition, comme un écho discret mais fidèle à sa filmographie.

Copyright Neon

Life of Chuck est une méditation douce-amère sur l’existence, où Flanagan troque les jump scares pour une mise en scène plus minimaliste. À l’image des dialogues dans Sermons de minuit, ce sont les mots qui façonnent le récit. Littéralement car le film est une illustration du vers de Walt Whitman – “I am large, I contain multitudes” (Song of Myself)
Flanagan parvient à faire dialoguer le banal et le grandiose, l’infini et la finitude, sans jamais perdre de vue l’humain. Une philosophie de cinéma où le tintement d’une casserole devient aussi signifiante qu’une galaxie. Un pari ambitieux car Flanagan arrive malgré l’aspect intello de son film à insuffler de la vie à chacun de ses personnages, même les plus fugaces.

Et il n’y serait pas arrivé sans sa fidèle troupe : Kate Siegel, Rahul Kohli, Jacob Tremblay, Karen Gillan, rejoints par des pointures comme Mark Hamill, Matthew Lillard, Heather Langenkamp, Chiwetel Ejiofor… et un Tom Hiddleston magnétique, qui offre une performance à mi-chemin entre normalité touchante et charisme troublant, et surtout l’une des plus belles séquences dansées de ces dernières années.

Copyright Neon

Tout n’est pas parfait : une voix off un brin paresseuse dans le dernier acte, un découpage en chapitres qui alourdit l’ensemble… mais qu’importe Life of Chuck touche à quelque chose de rare : une beauté fragile qui émeut et interroge.
Avec Life of Chuck, Mike Flanagan délaisse (momentanément) les ténèbres pour s’interroger sur la signification de la vie. Et il nous rappelle, avec tendresse et audace, qu’il ne faut pas passer à côté. Un film dense, ambitieux, qui marque un tournant dans la carrière du maître de l’horreur. 


Éléonore Tain


Copyright TOBIS Film GmbH/Neon


Il aura fallu une petite poignée d'adaptations flamboyantes sur grand écran (pensez Les Evadés et Stand by me avant tout) pour que le grand public réalisé que l'œuvre foisonnante et plurielle de Stephen King n'est pas, uniquement, une affaire d'horreur et que derrière toutes ses odyssées macabres et éprouvantes, il y avait un sentimentalisme charmant et totalement accompli qui sommeillait et ne demandait qu'à exploser; une lumière chaleureuse peut-être encore plus fascinante que les innombrables zones d'ombre qui l'entoure.

Si Frank Darabont a relevé cette vérité (même avec les bondieuseries souvent irritantes de La Ligne Verte), seul Mike Flanagan semble avoir totalement compris toutes les nuances derrière la terreur, à apercevoir le cœur et l'humanité derrière la carcasse de la bête; pas un hasard alors si les meilleures adaptations/réinterprétations de l'œuvre du King, sont nés de sa propre regard - Midnight Mass en tête.
Deux faiseurs de rêves - et de cauchemars - qui ont su se trouver au bon moment, tout simplement.

Copyright Neon

Passé cinq années au coeur des tranchées d'une firme au Toudoum a qui il aura embellit plus que de raison le catalogue, Flanagan retrouve enfin le septième art et, délesté (un temps seulement, puisqu'il prépare actuellement un nouveau film L'Exorciste chez Blumhouse) de ses affections horrifiques, il signe à n'en pas douter son plus bel effort à ce jour, Life of Chuck, mise en images d'une nouvelle éponyme du papa de Shining (publiée en 2020 dans le recueil If It Bleeds) qui a tout de l'apothéose de leur complicité extraordinaire.

Ode à l'émerveillement d'une euphorie et d'une mélancolie renversantes (à l'image d'un Tom Hiddleston absolument fantastique, qui cache sa douleur inexprimée sous un visage incroyable de sincérité et de douceur), le film se revendique tout autant comme un faux drame métaphysico-apocalyptique sur la signification même de la vie et du bonheur, qu'un portrait faussement épique mais réellement romantique comme la plus belle des balades de Capra où la nature humaine vient normaliser le désespoir d'une apocalypse imminente - une catastrophe environnementale loin d'être absurde.

Une fable douce-amère délibérément contée dans le désordre et à la temporalité toute aussi chamboulée (l'écriture a totalement confiance en son public), embaumée de toutes les contradictions qui rendent la vie toute aussi magnifique que déchirante, et où Flanagan semble sensiblement moins préoccupé par la densité de son histoire (pourtant infiniment plus complexe dans son dernier tiers, vissé sur la jeunesse d'un personnage titre qui n'apparaît qu'à partir du second), que par les sentiments que ses personnages peuvent ressentir comme susciter (et elles sont tout simplement bouleversantes), tous incarnés avec justesse par une galerie de comédiens•iennes embrassant sans détour la complexité de leurs émotions.

Copyright Neon

Épousant totalement l'idée qu'une histoire ne peut être réellement comprise que lorsqu'elle est racontée à reculons et que, dans le même mouvement, la vie elle-même est vécue sans réserve vers l'avant, dans l'acceptation de l’inévitabilité de la mort comme de la nécessité à s'émerveiller de toute chose qui nous est offerte avant le gong final; Life of Chuck incarne une formidable et mélancolique mosaïque tout en danse, en souvenirs, en tristesse et en douceur, vissée sur une âme qui n'a rien d'extraordinaire, mais dont la manière dont son parcours est conté l'est sincèrement.

Continuez à laisser Flanagan dans la lumière, pour qu'il continue à embrasser le désespoir comme la joie de la vie, avec où sans King.


Jonathan Chevrier