Breaking News

[CRITIQUE] : Perla


Réalisatrice : Alexandra Makarová
Acteurs : Rebeka Poláková, Simon Schwarz, Carmen Diego, Noël Czuczor,...
Distributeur : Maverick Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Autrichien, Slovaque.
Durée : 1h50min

Synopsis :
Vienne, au début des années 1980. Artiste indépendante et mère célibataire, Perla s’est construit une nouvelle vie avec Josef, son mari autrichien, et Júlia, sa fille. Mais le jour où Andrej, le père de Júlia, sort de prison et tente de reprendre contact, le passé ressurgit. Poussée à retourner en Tchécoslovaquie communiste qu’elle avait quittée, Perla entreprend un dangereux voyage, quitte à mettre en péril son avenir et celui de sa fille.




Très beau et délicat premier long-métrage que celui chapeauté par la wannabe cinéaste austro-slovaque Alexandra Makarová, Perla, drame historique discret sous fond de culpabilité et d'aliénation, qui célèbre l'incroyable esprit de résilience/résistance féminine à travers un récit résolument dense, où la réalisatrice - également scénariste - vient greffer quelques éléments biographiques à son double portrait, de femme comme d'époque, frappé par la précision et l'épure extrême d'une peintre miniaturiste.

Soit celui, tout en intensité contenue et jonglant entre le faste glorieux du Vienne des 80s et la morosité désespérée de la Tchécoslovaquie communiste, de Perla justement, artiste dissidente et mère célibataire d'une gamine de dix piges à la fibre musicale affirmée - Júlia -, qui a quitté la campagne sans avenir de la seconde pour l'urbanité vivante de la première, quelques années auparavant.

Copyright Maverick Distribution

Un choix essentiel qui va être totalement remis en cause/bouleversé lorsque son ex-compagnon et père de sa fille, Andrej, qui réapparaît dans sa vie après avoir purgé sa peine de prison, l'intime de repasser de l'autre côté pour voir une ultime fois Julia, avant que la maladie ne l'emporte pour de bon.
Un retour au demeurant périlleux pour sa peau comme pour le bien de sa famille (même si elle est accompagnée par son nouveau mari, Josef, elle voyage sous une fausse identité et risque d'être arrêtée), qui se transforme vite pour la jeune femme en une confrontation directe et implacable avec une culpabilité refoulée et des blessures qui n'ont jamais réellement été refermées...

Le terreau parfait pour que Makarová tisse la toile dense et complexe du lent vertige intérieur, entre un traumatisme toujours prégnant et une nostalgie vénéneuse, d'une figure exilée vulnérable au cœur d'une nation sous le joug d'un communisme répressif et austère, à l'image même d'une culture patriarcale à la brutalité tout aussi fermement enracinée (coucou ses traditions à l'agressivité totalement décomplexée).
Méticuleusement, la cinéaste s'attache à unir, émotionnellement comme spirituellement, les frontières de ses deux tableaux où comment les mécanismes d'un système autoritaire viennent influencer/marquer psychologiquement et au plus profond de son être, une femme à l'autonomie constamment menacée (même au cœur de son propre mariage), qui ne sait pas quelle part de ce passé peut-elle encore laisser nourrir - ou dévorer - son présent.

Copyright Maverick Distribution

Une exploration psychologiquement fascinante d'une figure resiliente et complexe qui confronte avec violence son passé (retourner là où elle a fuit) à son présent (une stabilité nouvelle désormais précaire) sans la moindre certitude de ce qui pourrait advenir; totalement soutenue tout autant par la photographie enlevée de Georg Weiss (de la gestion des couleurs, reflets directs des émotions de l'héroïne, à un format 4:3 merveilleusement claustrophobique), que par la prestation stellaire de la comédienne slovaque Rebeka Poláková, qui apporte une profondeur incroyable au trouble à Perla.

Un premier effort sensible et puissant, de ceux capable de marquer l'avènement d'une nouvelle voix féminine importante d'un Vieux Continent qui ne les célèbre jamais assez.


Jonathan Chevrier