[CRITIQUE] : Jeunesse (Retour au pays)
Réalisateur : Wang Bing
Acteurs : -
Distributeur : Les Acacias
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français, Luxembourgeois, Hollandais, Chinois.
Durée : 2h32min
Synopsis :
Deuxième volet de la trilogie Jeunesse de Wang Bing sur les jeunes ouvriers de l'industrie textile chinoise après Jeunesse (Le Printemps) et Jeunesse (Les Tourments).
Le Nouvel An approche et les ateliers textiles de Zhili sont quasi-déserts. Les quelques ouvriers qui restent peinent à se faire payer avant de partir. Des rives du Yangtze aux montagnes du Yunnan, tout le monde rentre célébrer la nouvelle année dans sa ville natale. Pour Shi Wei, c’est aussi l’occasion de se marier, ainsi que pour Fang Lingping. Son mari, ancien informaticien, devra la suivre à Zhili après la cérémonie. L’apprentissage est rude mais ne freine pas l’avènement d’une nouvelle génération d’ouvriers.
La formidable et foisonnante trilogie " Jeunesse " de Wang Bing débutait son odyssée il y a un petit peu plus d'un an et demi maintenant, elle qui s'est instinctivement revendiquée comme une radiographie objective du quotidien redondant d'une classe ouvrière chinoise où les échos du communisme ont été éclipsés par une industrie continuellement en expansion, qui prenait vite les contours d'un portrait saisissant et oppressant de la misère morale de notre société actuelle.
Une œuvre qui, pour ne rien gâcher, établissait un lien vibrant avec son premier effort, À l'ouest des rails, où il scrutait la lente décomposition du communisme à travers l'extinction de la plus grande zone industrielle de l'époque de Mao, des entreprises sidérurgiques qui constituaient les poumons de la Chine.
Passé Le Printemps et son combo minimalisme stylistique/maximalisme formel, puis Les Tourments, encore plus âpre et mélancolique dans sa manière de scruter encore un peu plus en profondeur les ravages vertigineux et prédateur du capitalisme sur une jeunesse sacrifiée, génération frustrée mais surtout bouffée par la solitude et à la précarité comme aux rêves brisés et au rejet social (sa scène finale, absolument déchirante, restera clairement l'une des plus marquantes de l'année ciné 2025); Bing persiste et signe en bouclant la boucle avec une nouvelle claque magistrale derrière la nuque, Retour au Pays, toujours vissé sur la même petite poignée d'ouvriers à l'heure où les usines se vident (et où les salaires mettent du temps à tomber), faisant leur retour - tout est dans le titre - dans leurs terres natales pour retrouver leur famille et célébrer le nouvel an (ou se marier).
Un retour au cœur même d'une Chine rurale décomposée et précaire où la chaleur et la tendresse humaine tentent de rebattre les cartes d'une pression économique qui étouffent tout, et encore plus l'innocence des plus jeunes.
Plongée immersive et crue dans un quotidien tout en survie ou les institutions sont moins une aide qu'une menace imprévisible, le film pointe avec acuité et amertume la spirale infernale d'une exploitation humaine où l'existence désespérée de jeunes adultes merveilleusement attachants, se fait le reflet tout en amertume des mêmes maux subis par les générations passées, victimes cycliques d'un monde contemporain où le matérialisme prime et domine la dignité humaine jusqu'à l'épuisement inéluctable des corps.
Au plus près de ses protagonistes avec qui il crée une connexion unique (la caméra se fait à la fois invisible tout en étant un véritable personnage auprès d'eux, elle va naturellement chercher les regards sans forcer sa complicité), exposant avec une force dévastatrice toute la mélancolie et l'amertume qui se nichent dans ses existences sans réel apaisement - mais pourtant baignées d'espoir d'un lendemain meilleur -, Wang Bing clôture avec justesse et émotion sa trilogie anticapitaliste, transmettant avec une honnêteté rare les témoignages de ses jeunes hommes et femmes qui ne sont plus que de simples visages noyés dans la masse, dans un ultime film peut-être encore plus humain et déchirant que pouvait l'être les deux opus précédents.
Un témoignage cinématographique vivant, vibrant et inestimable pour ce qui est, à n'en pas douter, la trilogie la plus importante de ses vingt dernières années.
Jonathan Chevrier
Acteurs : -
Distributeur : Les Acacias
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français, Luxembourgeois, Hollandais, Chinois.
Durée : 2h32min
Synopsis :
Deuxième volet de la trilogie Jeunesse de Wang Bing sur les jeunes ouvriers de l'industrie textile chinoise après Jeunesse (Le Printemps) et Jeunesse (Les Tourments).
Le Nouvel An approche et les ateliers textiles de Zhili sont quasi-déserts. Les quelques ouvriers qui restent peinent à se faire payer avant de partir. Des rives du Yangtze aux montagnes du Yunnan, tout le monde rentre célébrer la nouvelle année dans sa ville natale. Pour Shi Wei, c’est aussi l’occasion de se marier, ainsi que pour Fang Lingping. Son mari, ancien informaticien, devra la suivre à Zhili après la cérémonie. L’apprentissage est rude mais ne freine pas l’avènement d’une nouvelle génération d’ouvriers.
La formidable et foisonnante trilogie " Jeunesse " de Wang Bing débutait son odyssée il y a un petit peu plus d'un an et demi maintenant, elle qui s'est instinctivement revendiquée comme une radiographie objective du quotidien redondant d'une classe ouvrière chinoise où les échos du communisme ont été éclipsés par une industrie continuellement en expansion, qui prenait vite les contours d'un portrait saisissant et oppressant de la misère morale de notre société actuelle.
Une œuvre qui, pour ne rien gâcher, établissait un lien vibrant avec son premier effort, À l'ouest des rails, où il scrutait la lente décomposition du communisme à travers l'extinction de la plus grande zone industrielle de l'époque de Mao, des entreprises sidérurgiques qui constituaient les poumons de la Chine.
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Copyright 2024 House on Fire - Gladys Glover - CS Production |
Passé Le Printemps et son combo minimalisme stylistique/maximalisme formel, puis Les Tourments, encore plus âpre et mélancolique dans sa manière de scruter encore un peu plus en profondeur les ravages vertigineux et prédateur du capitalisme sur une jeunesse sacrifiée, génération frustrée mais surtout bouffée par la solitude et à la précarité comme aux rêves brisés et au rejet social (sa scène finale, absolument déchirante, restera clairement l'une des plus marquantes de l'année ciné 2025); Bing persiste et signe en bouclant la boucle avec une nouvelle claque magistrale derrière la nuque, Retour au Pays, toujours vissé sur la même petite poignée d'ouvriers à l'heure où les usines se vident (et où les salaires mettent du temps à tomber), faisant leur retour - tout est dans le titre - dans leurs terres natales pour retrouver leur famille et célébrer le nouvel an (ou se marier).
Un retour au cœur même d'une Chine rurale décomposée et précaire où la chaleur et la tendresse humaine tentent de rebattre les cartes d'une pression économique qui étouffent tout, et encore plus l'innocence des plus jeunes.
Plongée immersive et crue dans un quotidien tout en survie ou les institutions sont moins une aide qu'une menace imprévisible, le film pointe avec acuité et amertume la spirale infernale d'une exploitation humaine où l'existence désespérée de jeunes adultes merveilleusement attachants, se fait le reflet tout en amertume des mêmes maux subis par les générations passées, victimes cycliques d'un monde contemporain où le matérialisme prime et domine la dignité humaine jusqu'à l'épuisement inéluctable des corps.
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Copyright 2024 House on Fire - Gladys Glover - CS Production |
Au plus près de ses protagonistes avec qui il crée une connexion unique (la caméra se fait à la fois invisible tout en étant un véritable personnage auprès d'eux, elle va naturellement chercher les regards sans forcer sa complicité), exposant avec une force dévastatrice toute la mélancolie et l'amertume qui se nichent dans ses existences sans réel apaisement - mais pourtant baignées d'espoir d'un lendemain meilleur -, Wang Bing clôture avec justesse et émotion sa trilogie anticapitaliste, transmettant avec une honnêteté rare les témoignages de ses jeunes hommes et femmes qui ne sont plus que de simples visages noyés dans la masse, dans un ultime film peut-être encore plus humain et déchirant que pouvait l'être les deux opus précédents.
Un témoignage cinématographique vivant, vibrant et inestimable pour ce qui est, à n'en pas douter, la trilogie la plus importante de ses vingt dernières années.
Jonathan Chevrier