[CRITIQUE] : Dangerous Animals
Acteurs : Jai Courtney, Hassie Harrison, Josh Heuston, Ella Newton,...
Distributeur : The Jokers Films
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Australien.
Durée : 1h33min
Synopsis :
Ce film est présenté à la Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes 2025
Zephyr, une surfeuse intrépide au tempérament libre est kidnappée par un tueur en série obsédé par les requins. Séquestrée sur son bateau et confrontée à la folie de son ravisseur, elle va devoir se battre pour survivre face à tous les prédateurs...
Au milieu des nombreuses bisseries à forte tendance Z qui pullulent ses dernières semaines dans le giron de la VOD, Dangerous Animals à quelque chose de rafraîchissant dans le sens où il ne cherche pas tant à jouer la carte du film de requins bas du front distillant un faux suspens faisandé entre deux croquages aux CGI mal torchés, qu'à renouer avec celle plus viscérale du survival maritime sauce Open Water (l'original, pas ses abominables suites), dans une modeste petite bande qui ne se perd pas dans les hommages faciles (oui, Les Dents de la mer sont toujours dans un coin du rétroviseur), et tente continuellement de tenir debout sur ses deux pieds avec une ironie gentiment vacharde.
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De là à dire que la nouvelle péloche du bissard Sean " The Loved Ones/The Devil's Candy " Byrne, absent des plateaux depuis dix piges (et étrangement - dans le bon sens - adoubé par la Quinzaine des Cinéastes lors de la dernière Croisette) est réellement divertissant, il n'y a qu'un miles que l'on nagerait bien volontiers, lui qui prend totalement parti de son pitch - et de ses moyens - limité pour offrir un sympathique morceau d'Ozploitation sauce survival en eaux troubles, sur un Jai Courtney jamais aussi bon que lorsqu'il joue les psychopathes (il cabotine comme un sagouin, pour notre plus grand bonheur).
Un rejeton McClane (les frissons d'angoisses...) qui s'en va kidnapper et jouer à un macabre jeu du chat et de la souris avec une pauvre mais courageuse surfeuse rebelle, au nom de ses plus bas penchants de prédateur toxique au sommet de la pyramide, comme pour celui d'un rituel mystico-fétichiste avec les grands blancs dont il tente de manière ambiguë (mais surtout absurde) de démystifier les idées préconçues sur leur monstruosité.
Un sacré déséquilibré pour qui les véritables « êtres supérieurs » s'agitent bien sous la surface de l'eau, requins moins violent que la main qui les nourrit mais dont il faut titiller l'instinct meurtrier tout en filmant l'agonie de la chair fraiche qu'il leur envoie - parce qu'on a jamais assez de snuff movies dans sa vidéothèque.
Comprenant que l'efficacité de son long-métrage ne réside pas tant dans son écriture presque prétexte (même s'il tente de donner du corps et de la profondeur à une héroïne torturée par son passé difficile, comme à la psychologie déviante de son tueur en série) aux invraissemblances consenties (ses personnages qui perdent du sang pendant des heures; quelques morts hors-champ), mais bien dans sa mise en scène comme sa gestion de la tension - à la cruauté croissante -, Byrne concocte un sadique et sauvage survival aux légers accents splatter sondant l'insensibilité comme l'orgueil humain autant que le machisme australien exacerbé (ce qui en fait un cousin pas si éloigné du récent et génial The Surfer de Lorcan Finnegan) face à une mère nature moins impitoyable et arbitraire qu'on peut l'être.
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Une pure bisserie made in Australie qui ne s'aventure certes pas totalement dans des eaux inexplorées (mais qui ne prétend jamais réellement le faire, donc difficile de lui imputer cela), mais qui incarne néanmoins une belle croisière sanguinaire et vicieuse sans fioritures tournant autour d'une question aussi loufoque que géniale : vous préférez être coincé au milieu de l'océan avec un requin ou un psychopathe ?
De notre côté, on tente sans réfléchir notre chance avec le requin...
Jonathan Chevrier
Zephyr, jeune surfeuse solitaire, un peu cabossée par la vie, passe son temps sur les vagues et sillonne les routes australiennes à bord de son immense van, qui lui sert de maison. Un jour, elle est kidnappée par Tucker, pêcheur le jour, justicier écolo macho la nuit, un individu sombre qui a décidé de faire de Zephyr de la chair à requin.
Dangerous Animals apporte un vent de fraîcheur à un genre quasiment éculé : celui de la sharksploitation. Le film assume pleinement une posture radicale en désignant clairement l’homme comme le véritable antagoniste. Aucun doute n’est permis : le requin n’est jamais tenu pour responsable, et cette prise de position est salutaire. Ce renversement des codes constitue l’un des aspects les plus intéressants du film.
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L’atout principal de Dangerous Animals, c’est son méchant, incarné par le charismatique Jai Courtney. Habitué des rôles de "gros bras" dans des blockbusters musclés (The Suicide Squad, Terminator Genisys, Die Hard : Belle journée pour mourir), l’acteur met ici sa carrure au service d’un Tucker massif, inquiétant, et ponctué d’une touche d’humour noir bien dosée. Ce personnage s’inscrit dans la lignée des grands méchants aux idéaux (presque) nobles mais aux méthodes discutables.
Si son côté working class écolo peut séduire au premier abord, Tucker reste un vrai méchant : increvable, pervers et surtout misogyne. Derrière ses beaux discours de défenseur des océans contre les touristes irresponsables, il agit avant tout pour son propre plaisir scopophile. Il aime regarder — en boucle, sur VHS — des femmes en petite tenue souffrir. Cette fascination dérangeante évoque une réflexion plus large sur l’évolution du public des films d’horreur, aujourd’hui largement féminisé. Tucker représente le cliché de l’horror nerd qui se paluche devant des snuff movies sur un écran cathodique incapable de voir que la société est en train d’évoluer, que la petite blonde est plus qu’un simple numéro dans un bodycount
Dans Dangerous Animals, le rôle de la final girl revient à Hassie Harrison (Yellowstone, 666 Road). La jeune actrice américaine insuffle la tension nécessaire à ce personnage parfois ingrat de jolie blonde. En jouant avec un stéréotype, le film finit parfois par tomber dans son inverse et le rôle de Zephyr frôle le trope de la cool girl. Dans un genre similaire, Instinct de survie avait joué plus habilement avec l’idée de blonde sexy qui se révèle ingénieuse. L’erreur de Dangerous Animals a été de se focaliser autant sur l’amourette qui prend quand même un sacré paquet de minutes du film et n’apporte pas grand chose ni en terme d’action, ni en terme de discours.
Cela dit, le film fonctionne, grâce à un rythme infernal et à des retournements de situation qui s’enchaînent sans relâche. L’écriture, certes inégale, est soutenue par une mise en scène sanglante et sans concession, qui recherche l’authenticité en privilégiant les décors naturels. Le réalisateur Sean Byrne, déjà remarqué en 2009 avec The Loved Ones - teen movie tordu et trash -, confirme ici sa capacité à divertir et interpeller. Une figure montante de l’ozploitation à suivre de près.
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Mais alors, pourquoi ce titre au pluriel ? Qui sont ces fameux « animaux dangereux » ? Certainement pas les requins, qui, on l’aura compris, ne sont ni coupables, ni intrinsèquement dangereux. Derrière l’action haletante se cache un sous-texte plus profond : une critique de la solitude générée par nos sociétés individualistes. Zephyr, vagabonde sans communauté, en est une victime directe. Et plus symboliquement encore, la séquence du yacht — où des fêtards insouciants dansent à quelques dizaines de mètres du drame — en dit long. Aveuglés par leur propre vacarme, ces plaisanciers restent sourds aux appels à l’aide. Par leur indifférence, leur passivité, ce sont eux, les véritables animaux dangereux.
Dangerous Animals réussit là où beaucoup d’autres films de sharksploitation échouent : en jouant avec les codes établis, en s’appuyant sur une mise en scène viscérale, et en offrant une lecture plus profonde qu’il n’y paraît. Sous couvert de survival haletant, Sean Byrne livre une critique acerbe d’une société désensibilisée, où les véritables prédateurs ne nagent pas sous l’eau, mais évoluent à la surface, parfaitement humains. Malgré quelques maladresses, notamment dans l’écriture de son héroïne ou l’insertion d’une romance superflue, le film s’impose comme une œuvre qui questionne nos regards et nos responsabilités. Les requins ne sont plus les monstres. Ils ne l’ont peut-être jamais été.
Éléonore Tain