[CRITIQUE] : Évanouis
Réalisateur : Zach Cregger
Acteurs : Julia Garner, Josh Brolin, Alden Ehrenreich, Austin Abrams,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h08min.
Synopsis :
Lorsque tous les enfants d’une même classe, à l’exception d’un, disparaissent mystérieusement la même nuit, à la même heure, la ville entière cherche à découvrir qui — ou quoi — est à l’origine de ce phénomène inexpliqué.
Cinéaste sous influences ne veut pas dire cinéaste sans audace, et encore moins sans talent.
Dans l'ombre de feu Wes Craven (pensez Le Sous-sol de la peur), Zach Cregger démontrait toute la nuance de cette définition avec son premier effort, Barbare (injustement cantonné à une sortie sur Disney Plus, là où il a squatté les salles outre-Atlantique), excellent roller coaster référencé qui savait habillement titiller le curseur de la terreur à coups jumps scared et de rebondissements gentiment creepy; un modeste bout d'horreur à la fois old school dans ses effets et moderne dans sa manière d'incarner une oeuvre puisant bien plus sa force dans la recontextualisation des thèmes qu'il aborde et ses personnages, que dans l'horreur qu'elle s'échinait à mettre en scène de la façon la plus ludique qui soit.
Un pur jeu du chat et de la souris sauvage et savamment déséquilibré, que ce soit dans sa prise en grippe de la toxicité masculine et du racisme systémique, la mise en images criante de vérité de l'effet domino des bouleversements socio-économiques (loin d'être une coïncidence que le cadre du film soit Détroit, ni même qu'un flashback clé se situe en pleine ère Reagan) où même dans sa - légère - subversion de l'archétype de la Final Girl.
Pour son film dit de la confirmation, avant qu'il s'en aille redonner un coup de fouet à une franchise Resident Evil agonisante depuis le premier film de Paul WS Anderson, c'est moins dans l'ombre de Wes Craven que de David Fincher que le Zach s'inscrit avec Weapons - Évanouis par chez nous, une adaptation du roman éponyme d'Aaron Starmer -, thriller horrifico-insondable qui emprunte beaucoup au cauchemar tendu et captivant qu'incarnait Zodiac (quand bien même Cregger lui-même, citait le tout aussi magistral Magnolia de Paul Thomas Anderson, comme référence majeure), lui dont l'histoire s'attache à de multiples figures entourant la disparition, une nuit, de dix-sept enfants de la même classe de CE2 qui se sont levés de leur lit pour s'évanouir - en courant d'une manière gentiment étrange - dans la noirceur automnale de la nuit.
Après cette tragédie inimaginable et troublante, tous les regards de cette petite banlieue de Floride, se tournent vers Justine Gandy, l'enseignante de tous ses gamins perdus, aussi déconcertée face à la situation que terrifiée face à la colère sourde des parents, et qui a suffisamment de petits squelettes dans son placard pour plus que simplement attirer les soupçons sur sa personne...
Moins radical et résolument plus conventionnel dans ses ruptures tonales tout en étant, dans le même temps, bien plus ambitieux d'un point de vue technique et narratif, le film s'apparente à un conte de fée macabre logé entre un didactisme brutal et un mystère sophistiqué mais trop linéaire pour son bien, dont la résonnance chorale (on multiplie les points de vue, de la prof Justine à Archer, un père furieux mais déterminé et rongé par la culpabilité, en passant par Paul, flic local un brin paumé campe par un Alden Ehrenreich qui a tout du cosplay de John C. Reilly dans... Magnolia), apparaît toute aussi cosmétique que facile pour conserver l'intérêt comme la cohérence (la répétition de certaines séquences enrichit parfois cela dit, la compréhension générale) jusqu'à sa délirante résolution finale, quitte à saper un brin son pendant émotionnel.
Un petit point noir tant Cregger sait pourtant toujours aussi bien tirer les fils tortueux d'une histoire où il n'a pas peur de piquer tous les travers - évidemment exacerbés - de l'humanité et du malaise contemporain (paranoïa latente et collective, l'anxiété parentale face à une violence de plus en plus décomplexée, le manque de volonté dans le contrôle des armes à feu,...), avec une férocité rafraîchissante, tout en rendant infiniment authentiques - et donc douloureusement humains - ses figures perfectibles ne basculant jamais dans une vendetta absurde.
Mais c'est sans doute, une fois encore, dans sa mise en images de l'horreur comme dans l'instauration d'une ambiance profondément sinistre et inquiétante, que le cinéaste impressionne le plus, lui qui chercher à créer le malaise aussi bien physiquement que psychologiquement, son suspens se faisant le fruit de l'incertitude et de la terreur vivant chez son spectateur (une tension créée avec très peu d'outils : un montage affûté, quelques sursauts bien amenés,...) là où il s'autorise quelques éclats de violence tout autant graphiques que profondément marquants.
A l'image d'un Jordan Peele passant de Get Out à Us et qui utilisait avec encore plus d'intelligence le fantastique comme d'une parabole de l'horreur du monde réel, Cregger et ses influences assez facilement perceptibles (Fincher encore une fois, et une horreur à la fois américaine et sud-coréenne), accouchent d'un cauchemar à la fois grisant et douloureusement désespéré dans son contrat sur l'état de la société contemporaine, dont la décrépitude croissante vient de plus en plus craquer le vernis de notre simulation d'une apparence de normalité de moins en moins... normale.
Dénué de tout sensationnalisme putassier et à la violence savamment contenue, Évanouis se fait peut-être plus confus et moins radical que Barbare (qui avait aussi pour lui, moins d'attentes et un vrai effet de surprise), mais n'en reste pas moins une séance savoureusement désagréable et mis en boîte avec une assurance folle, par un cinéaste qui sait que l'avenir de l'horreur ricaine passera, inéluctablement, par sa caméra.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Julia Garner, Josh Brolin, Alden Ehrenreich, Austin Abrams,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h08min.
Synopsis :
Lorsque tous les enfants d’une même classe, à l’exception d’un, disparaissent mystérieusement la même nuit, à la même heure, la ville entière cherche à découvrir qui — ou quoi — est à l’origine de ce phénomène inexpliqué.
Cinéaste sous influences ne veut pas dire cinéaste sans audace, et encore moins sans talent.
Dans l'ombre de feu Wes Craven (pensez Le Sous-sol de la peur), Zach Cregger démontrait toute la nuance de cette définition avec son premier effort, Barbare (injustement cantonné à une sortie sur Disney Plus, là où il a squatté les salles outre-Atlantique), excellent roller coaster référencé qui savait habillement titiller le curseur de la terreur à coups jumps scared et de rebondissements gentiment creepy; un modeste bout d'horreur à la fois old school dans ses effets et moderne dans sa manière d'incarner une oeuvre puisant bien plus sa force dans la recontextualisation des thèmes qu'il aborde et ses personnages, que dans l'horreur qu'elle s'échinait à mettre en scène de la façon la plus ludique qui soit.
Un pur jeu du chat et de la souris sauvage et savamment déséquilibré, que ce soit dans sa prise en grippe de la toxicité masculine et du racisme systémique, la mise en images criante de vérité de l'effet domino des bouleversements socio-économiques (loin d'être une coïncidence que le cadre du film soit Détroit, ni même qu'un flashback clé se situe en pleine ère Reagan) où même dans sa - légère - subversion de l'archétype de la Final Girl.
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Copyright Warner Bros. Pictures |
Pour son film dit de la confirmation, avant qu'il s'en aille redonner un coup de fouet à une franchise Resident Evil agonisante depuis le premier film de Paul WS Anderson, c'est moins dans l'ombre de Wes Craven que de David Fincher que le Zach s'inscrit avec Weapons - Évanouis par chez nous, une adaptation du roman éponyme d'Aaron Starmer -, thriller horrifico-insondable qui emprunte beaucoup au cauchemar tendu et captivant qu'incarnait Zodiac (quand bien même Cregger lui-même, citait le tout aussi magistral Magnolia de Paul Thomas Anderson, comme référence majeure), lui dont l'histoire s'attache à de multiples figures entourant la disparition, une nuit, de dix-sept enfants de la même classe de CE2 qui se sont levés de leur lit pour s'évanouir - en courant d'une manière gentiment étrange - dans la noirceur automnale de la nuit.
Après cette tragédie inimaginable et troublante, tous les regards de cette petite banlieue de Floride, se tournent vers Justine Gandy, l'enseignante de tous ses gamins perdus, aussi déconcertée face à la situation que terrifiée face à la colère sourde des parents, et qui a suffisamment de petits squelettes dans son placard pour plus que simplement attirer les soupçons sur sa personne...
Moins radical et résolument plus conventionnel dans ses ruptures tonales tout en étant, dans le même temps, bien plus ambitieux d'un point de vue technique et narratif, le film s'apparente à un conte de fée macabre logé entre un didactisme brutal et un mystère sophistiqué mais trop linéaire pour son bien, dont la résonnance chorale (on multiplie les points de vue, de la prof Justine à Archer, un père furieux mais déterminé et rongé par la culpabilité, en passant par Paul, flic local un brin paumé campe par un Alden Ehrenreich qui a tout du cosplay de John C. Reilly dans... Magnolia), apparaît toute aussi cosmétique que facile pour conserver l'intérêt comme la cohérence (la répétition de certaines séquences enrichit parfois cela dit, la compréhension générale) jusqu'à sa délirante résolution finale, quitte à saper un brin son pendant émotionnel.
Un petit point noir tant Cregger sait pourtant toujours aussi bien tirer les fils tortueux d'une histoire où il n'a pas peur de piquer tous les travers - évidemment exacerbés - de l'humanité et du malaise contemporain (paranoïa latente et collective, l'anxiété parentale face à une violence de plus en plus décomplexée, le manque de volonté dans le contrôle des armes à feu,...), avec une férocité rafraîchissante, tout en rendant infiniment authentiques - et donc douloureusement humains - ses figures perfectibles ne basculant jamais dans une vendetta absurde.
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Copyright Warner Bros. Pictures |
Mais c'est sans doute, une fois encore, dans sa mise en images de l'horreur comme dans l'instauration d'une ambiance profondément sinistre et inquiétante, que le cinéaste impressionne le plus, lui qui chercher à créer le malaise aussi bien physiquement que psychologiquement, son suspens se faisant le fruit de l'incertitude et de la terreur vivant chez son spectateur (une tension créée avec très peu d'outils : un montage affûté, quelques sursauts bien amenés,...) là où il s'autorise quelques éclats de violence tout autant graphiques que profondément marquants.
A l'image d'un Jordan Peele passant de Get Out à Us et qui utilisait avec encore plus d'intelligence le fantastique comme d'une parabole de l'horreur du monde réel, Cregger et ses influences assez facilement perceptibles (Fincher encore une fois, et une horreur à la fois américaine et sud-coréenne), accouchent d'un cauchemar à la fois grisant et douloureusement désespéré dans son contrat sur l'état de la société contemporaine, dont la décrépitude croissante vient de plus en plus craquer le vernis de notre simulation d'une apparence de normalité de moins en moins... normale.
Dénué de tout sensationnalisme putassier et à la violence savamment contenue, Évanouis se fait peut-être plus confus et moins radical que Barbare (qui avait aussi pour lui, moins d'attentes et un vrai effet de surprise), mais n'en reste pas moins une séance savoureusement désagréable et mis en boîte avec une assurance folle, par un cinéaste qui sait que l'avenir de l'horreur ricaine passera, inéluctablement, par sa caméra.
Jonathan Chevrier