[CRITIQUE] : Journal intime du Liban
Réalisatrice : Myriam El Hajj
Avec : -
Distributeur : Les Films des Deux Rives
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Libanais, Qatari, Français, Saoudien.
Durée : 1h50min
Synopsis :
Maudits sur trois générations ! Dans un pays pris en otage, trois habitants de Beyrouth tentent de survivre: Georges, vétéran hanté par le passé, Joumana, militante candidate à la députation, et Perla Joe, artiste engagée. Un récit intime et brûlant d’un pays en perpétuelle quête de liberté.
À l'image de nombreux pays dont la démocratie tente de se relever après s'être lentement et douloureusement fissurée au fil des années sous le poids - entre autres - de la corruption, des injustices, des tensions entre la population et le gouvernement (dont l'indifférence des classes dirigeantes n'est, in fine, pas si differente aux nôtres) mais aussi des conflits voisins qui s'invitent sur ses propres terres (qui n'ont fait que de s'accentuer depuis deux ans maintenant, à tel point qu'il est difficile de dissocier les mots guerre et Liban dans la conscience - souvent biaisée - collective); le " Pays du Cèdre " et, par extension son fantastique cinéma, fait de plus en plus entendre sa voix et voit émerger des cinéastes exposant sans phare la condition de leur nation.
On pourrait, de mémoire plus ou moins vive, citer la verve euphorisante (comme la volonte louable de préserver la mémoire collective et de transmettre la culture exceptionnelle du pays) des travaux de jeunes cinéastes tels que Mounia Akl (Costa Brava, Lebanon), le très " Antonionien " Ely Dagher (Face à la mer), Wissam Charaf (Dirty Difficult Dangerous) où encore Carlos Chahine (La nuit du verre d'eau), Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (Memory Box).
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Une jolie liste dans laquelle figure désormais la cinéaste Myriam El Hajj (fondatrice du collectif de realistrices du monde arabe Rawiyat – Sisters in Film), dont le nouveau - et très beau - documentaire, Journal intime du Liban, se fait une radiographie au montage pas toujours heureux certes, du Liban contemporain en capturant les attentes comme les espoirs démocratiques déchus derrière trois figures aux voix discordantes (mais également son propre regard intime) : Joumana Haddad, écrivaine, poète et militante féministe qui s'est présenté aux élections législatives libanaises de 2018, quo sera élue avant detre frauduleusement destituée le lendemain; l'artiste activiste Perla Joe Maalouli, symbole du soulèvement populaire; et enfin Georges Moufarrej, vétéran d'une guerre civile qui lui a fait perdre une jambe comme ses illusions.
Véritable journal intime - fruit de 300 heures d'images - à la bienveillance et à la patience jamais feintes, étalé sur plusieurs années et qui prend vite les contours d'une immersion psychologique et sociologique auprès d'une humanité pleine de rage (légitime) et désespérément en quête de changement, le documentaire se fait un effort à la fois vivant et vibrant, brut et authentique sur une lutte à la fois difficile et essentielle pour un peuple qui ne fait que subir son passé et la brutalité sourde de ses voisins comme de son gouvernement.
La (très) belle découverte de la semaine.
Jonathan Chevrier