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[CRITIQUE] : Deux Pianos


Réalisateur : Arnaud Desplechin
Avec : François Civil, Nadia Tereszkiewicz,  Charlotte Rampling, Hippolyte Girardot,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h55min

Synopsis :
Mathias Vogler rentre en France après un long exil. La mentore de sa jeunesse, Elena, souhaite qu’il donne une série de concerts au piano à ses côtés à l’Auditorium de Lyon. Mais dès son retour, une rencontre avec un enfant qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, son double, plonge Mathias dans une frénésie qui menace de le faire sombrer, et le mènera à Claude : son amour de jeunesse.





Il y avait jadis quelque chose de gentiment réconfortant dans l'idée familière de retrouver les mêmes thèmes - où presque - librement egrainés/recyclés par Arnaud Desplechin à chacune de ses nouvelles réalisations, ce petit côté rassurant de savoir où l'on va, comme une contine dont on ne connait pas forcément les paroles, mais dont la mélodie nous trotte toujours gentiment dans la tête.

Mais ça, c'était avant de découvrir la grosse déception qu'incarnait Frère et Soeur, sorte de fusion peu inspirée de deux de ses plus beaux efforts, Rois et Reine (à qui il reprend sa structure fragmentée) et Un Conte de Noël, incarnant à la fois le meilleur comme le plus irritant du cinéma du cinéaste, vissé qu'il était sur l'exploration accrue des maux qui gangrenaient un clan - plus directement deux de ses enfants -, gentiment bourgeois mais surtout férocement antipathique.

Copyright Emmanuelle Firman - Why Not Productions

Si son doux Spectateurs!, célébration de la toute puissance comme de la magie intemporelle du septième art tout autant que théorisation - raccourcie même si prenante - sur l'importance comme la passion même de la découverte cinématographique, semblait avoir trompé un temps cette dégringolade annoncée, Deux Pianos la fait repartir de plus belle, mélodrame musicalo-romanesque amorphe et redondant sur deux âmes en souffrance se consumant lentement mais durement dans les méandres d'un amour impossible, et dont le seul obstacle a leur bonheur n'est qu'uniquement eux-mêmes.

Noué autour d'une intrigue beaucoup trop prétentieuse et alambiquée pour son bien (un pianiste, de retour après un long exil au Japon, renoue avec son passé et son douloureux amour de jeunesse, qui va l'obliger à prendre conscience de ce qu'il a laissé derrière lui), où la musique ne se fait pas seulement une toile de fond prétexte, mais s'avère inextricablement liée à la structure narrative (et, de facto, un facteur évident de sa redondance); le film se fait tout du long un véritable de purgatoire sans tension tout en souvenirs, en culpabilité et en désir, enrobé dans la suffisance comme l'apitoiement sur soi irritant d'une bourgeoisie endolorie qui l'est toute autant, tant Desplechin se rêve dans les chaussons de Douglas Sirk alors que son écriture, beaucoup trop boursouflée et refusant toute complexité, s'avère tellement étriquée qu'il n'arrive même plus à rentrer dans les siens.

Copyright Emmanuelle Firman - Why Not Productions

Reste, comme souvent chez le bonhomme, une mise en scène des plus élégantes (renforcée par la photographique tout en clairs-obscurs de Paul Guilhaume), qui parvient presque à tromper son incapacité à empêcher une distribution au demeurant talentueuse, à se perdre dans un surjeu inexplicablement choral (quand bien même on reste loin de la comédie involontaire, qu'était Frère et Soeur).
Mais c'est maigre, rachitique même, pour sauver des limbes cette symphonie désaccordée en Mia Hansen-Løve mineur, qui prend les contours au symbolisme pompeux et pseudo-profonds, d'une quête de stabilité intime et émotionnelle qui captive fébrilement entre deux, trois coupes maladroites.

Grosse fatigue donc, pour le cinéaste comme pour son auditoire...


Jonathan Chevrier