[CRITIQUE] : Chien 51
Réalisateur : Cédric Jimenez
Avec : Gilles Lellouche, Adèle Exarchopoulos, Louis Garrel, Romain Duris, Valéria Bruni Tedeschi, Artus,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : -
Genre : Policier, Thriller, Science-fiction.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h46min
Synopsis :
Dans un futur proche, Paris a été divisé en 3 zones qui séparent les classes sociales et où l’intelligence artificielle ALMA a révolutionné le travail de la police. Jusqu’à ce que son inventeur soit assassiné et que Salia et Zem, deux policiers que tout oppose, soient forcés à collaborer pour mener l’enquête.
Quand bien même nous n'avons pas été réellement sensibles - pour rester poli - à ses plus récents efforts (Novembre mais surtout Bac Nord), gageons que la volonté de Cédric Jimenez de vouloir arpenter le terrain sinueux de la science-fiction, au sein d'une production hexagonale pas forcément habituée à une telle ambition (Le Visiteur du futur n'a pas vraiment fait de petit, et la récente cagade incarnée par le Dolloway de Yann Gozlan devrait encore moins en faire), est on ne peut plus louable, d'autant plus à une heure où notre dystopie quotidienne (intelligence artificielle, dérives sécuritaires, gouvernements supprimant de plus en plus d'acquis chèrement gagnés, détournement médiatique,...) nous amène à de moins en moins nous emballer pour tout récit fictionnel ne faisant pas preuve d'une once d'idée originale.
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Copyright Cédric Bertrand - 2025 - Chi-Fou-Mi Productions- Studiocanal - France 2 Cinéma - Jim Films |
Et d'originalité, justement, son Chien 51, adaptation du roman éponyme d'un Laurent Gaudé déjà méchamment sous influences (à travers une intrigue qui louche gentiment autant sur le Minority Report de Philip K. Dick que sur I, Robot d'Isaac Asimov, et donc également des adaptations respectives de Spielberg et Proyas donc), en manque cruellement, flanqué qu'il est dans une Capitale orwellienne as hell, découpée en trois zones/classes sociales (élites et personnalités de pouvoir, classe moyenne et classe populaire, rien de plus basique et caricaturale) et où chacun est constamment surveillé et oppressé par les forces de police comme par les drones déployés par ALMA, système d'intelligence artificielle qui peut surveiller, reconnaître et suivre tous les habitants; une IA prédictive qui créée scénarios possibles et limite ainsi la marge d'erreur des policiers, réduit au plus simple statut d'employés de justice.
Tout bascule lorsque, justement, son créateur est assassiné et que Salia, une agente de haut rang, et Zem Brecht, un policier solitaire de la Zone 3 (la plus démunie), sont contraints de collaborer pour résoudre le meurtre et démasquer un complot présumé orchestré par le chef d'un groupe d'activistes rebelles et révolutionnaires sauce Anonymous, John Mafram...
Tout le principe du panoptique du système Précrime est ici à la fois revisité, fragilisé et rendu encore un peu plus extrêmes : ALMA, en plus d'observer sans être observé, collecte et stocke une quantité massive de données, parvenant à prédire les crimes avant même qu'ils ne soient commis, sans pour autant que le système soit infaillible puisque certains meurtres sont encore commis hors de son contrôle.
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Copyright Cédric Bertrand - 2025 - Chi-Fou-Mi Productions- Studiocanal - France 2 Cinéma - Jim Films |
Mais plus que Minority Report, toute la SF contemporaine s'est sensiblement appuyée sur une entité ultra-intelligente dépourvue de conscience et d'humanité, dotée d'un pouvoir immense et à l'existence aussi fluide qu'invisible - même le cinéma d'action en fait de même, coucou les deux derniers opus de la saga Mission : Impossible.
Difficile dès lors de se démarquer et le problème c'est que Jimenez n'a ni un Ethan Hunt dans sa besace, ni la plume experte d'un David Koepp (pensez à l'excellent Kimi de Steven Soderbergh, aux thématiques jumelles) et encore moins la caméra virevoltante de ses ambitions, elle qui erre désespérément, au-delà de scènes d'action plus où moins bien emballées, au milieu de décors urbains à l'esthétique glaciale digne d'un sous-Blade Runner sauce Les Fils de l’Homme, avec ses horizons tout en gratte-ciel impersonnels et ses rues détrempées par la pluie.
Mais au-delà des faiblesses de sa mise en scène et d'un montage encore moins heureux, s'est véritablement dans son écriture manichéenne que Chien 51 se banane mignon, prévisible quand elle n'est pas particulièrement irritante (elle glorifie volontairement les entités mêmes qu'elle prétend déconstruire), fragile lorsqu'elle mériterait d'être plus consistante (ses seconds couteaux férocement anecdotiques) voire radicale (toutes ses thématiques qu'elle aborde avec une frilosité dérangeante), incapable de pleinement imposer le facteur humain au centre de son histoire, pas même au détour d'une dynamique entre deux personnalités dissemblables (un flic désabusé, une flic mi-humaine, mi-machine tout droit sortie de Ghost in The Shell - look capilaire compris) mais affligés du même tourment intérieur, que le tandem Gilles Lellouche (excellent) et Adèle Exarchopoulos (plus maladroite) peine encore plus a rendre vivante.
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Copyright Cédric Bertrand - 2025 - Chi-Fou-Mi Productions- Studiocanal - France 2 Cinéma - Jim Films |
Chronique d'une société en déclin et à la démocratie atomisée, à la merci de gouvernements autoritaires et d'une technologie impitoyable et liberticide, Chien 51 ne pète pas dans la soie de l'originalité mais apparaît fade et dénué d'émotions face aux références auxquelles ils tentent de fièrement s'aligner, sans jamais proposer une histoire suffisamment immersive et prenante pour susciter autre chose qu'un ennui poli - même si pas dénué de quelques shots d'adrénaline.
Mais il faut saluer l'ambition, encore une fois, de vouloir proposer un tel divertissement dans l'hexagone, même si les moyens techniques - à défaut de ceux économiques - sont aux abonnés absents.
Jonathan Chevrier