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[CRITIQUE] : A House of Dynamite


Réalisatrice : Kathryn Bigelow
Acteurs : Rebecca Ferguson, Idris Elba, Tracy Letts, Greta Lee, Jared Harris, Gabriel Basso, Moses Ingram, Jason Clarke, Anthony Ramos, Willa Fitzgerald, Kaitlyn Dever,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h52min.

Synopsis :
Lorsqu'un missile de provenance inconnue est lancé sur les États-Unis, une course s'engage pour déterminer qui est responsable et comment réagir.





Huit ans après un magistral Detroit, incroyable et oppressante tragédie urbaine où elle catapultait férocement son auditoire au coeur des émeutes de l'été 1967 à Détroit, en reprenant chronologiquement tous les éléments déclencheurs d'une révolte légitime et rageuse qui aura pratiquement mis à feu et à sang la Motor Town (à une heure ou l'Amérique était déjà tiraillée par la guerre du Vietnam), pour mieux pointer les ravages d'un racisme systémique et brutale qui n'a jamais cessé de prospérer; Queen Kathryn Bigelow revient aux affaires avec ce qui peut se voir comme une continuité à son brillant Zero Dark Thirty, A House of Dynamite, qui s'échine à vouloir méticuleusement retranscrire la complexité du hors champ d'une situation à la fois exceptionnelle et chaotique, à vouloir à nouveau briser le tabou de l'invisible par le prisme puissant - et destructeur - du septième art.

Copyright Netflix


Du terrorisme à la guerre en Afghanistan/Irak en passant
l'opération qui a conduit à la traque et l'assassinat d'Oussama Ben Laden, la cinéaste vogue sur un territoire encore plus sinueux et apocalyptique : une crise nucléaire, avec une ogive d'origine inconnue lancée contre les États-Unis et un Pentagone se demandant comment réagir/riposter.
Aux antipodes, évidemment, d'un prisme Emmerichien (pas d'apologie apocalyptique du kaboom chez Bigelow), on suit ici sous tous les angles possibles et à travers une structure imbriquée et jamais redondante (touted les perspectives s'unissent autour de la poignée de minutes avant l'inéluctable impact), les arcanes furieusement sous tension du processus decisionnel et les interrogations de ceux appelés à gérer/gouverner la situation, toutes les figures (Président, dirigeants militaires, divers analystes et experts de la Défense,...) devant répondre à une action invisible - laissée hors champ - par une contre-attaque qui l'est toute autant, devant répondre à la destruction par la destruction.

Cacher l'invisible (certitudes que le cinéma américain a, justement, l'habitude de mettre en scène et que la maman de Point Break démonte avec une assurance folle) en montrant ce que nous sommes jamais censé voir donc, tout en impliquant férocement son auditoire face à un danger imminent qui, à une heure de conflits et d'escalades d'absurdités gouvernementales, va au-delà du simple fait d'être préoccupant - le pire est, littéralement, à nos portes.
En exposant avec froideur tout le paradoxe même de l'outil nucléaire (une arme de " défense " qui n'a jamais été usée - où brandit - comme telle), le film démontre méticuleusement comment la " house of dynamite " est purement est simplement notre société contemporaine, véritable baril de poudre qui menace d'exploser à tout moment, sans que l'on ne donne jamais réellement de crédit à cette vérité pourtant essentielle, flanqué au plus près des dysfonctionnements chaotiques d'une machine qui se pense parfaite (à l'image même d'une nation qui justifir sa prétention et ses élans totalitaires, par sa surpuissance) alors qu'elle est portée par une humanité faillible et imparfaite, toute aussi terrifiée que le commun des mortels.
Une machine poussée dans ses derniers retranchements où même l'homme le plus puissant de la planète, n'est lui-même absolument pas du tout prêt pour (ré)agir.

Copyright Netflix

Plus Docteur Folamour que Mission : Impossible (qu'elle singe avec ironie dans sa représentation fantasmée de celles et ceux qui gèrent les urgences les plus apocalyptiques du monde, jusqu'à faire de Rebecca Ferguson, visage phare de la saga, une de ses figures centrales), dans sa manière de sonder le facteur humain du « et si ? » d'une guerre nucléaire qui vient bousculer le quotidien (où comment ceux qui prennent les décisions en sont tout autant victimes que ceux qui les subissent), au détour d'une rationalisation lucide des sphères du pouvoir; A House of Dynamite est un thriller politique captivant et haletant formellement impressionnant, tout aussi nuancée psychologiquement quil est d'une humanité touchante.

Queen Bigelow est de retour, et ce n'est définitivement pas pour nous jouer un mauvais tour.


Jonathan Chevrier