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[CRITIQUE] : Lumière pâle sur les collines


Réalisateur : Kei Ishikawa
Acteurs : Suzu Hirose, Fumi Nikaidô, Yoh Yoshida, Camilla Aiko,...
Budget : -
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Genre : Drame.
Nationalité : Japonais, Britannique, Polonais.
Durée : 2h03min

Synopsis :
Royaume-Uni, 1982. Une jeune anglo-japonaise entreprend d’écrire un livre sur la vie de sa mère, Etsuko, marquée par les années d’après-guerre à Nagasaki et hantée par le suicide de sa fille aînée. Etsuko commence le récit de ses souvenirs trente ans plus tôt, lors de sa première grossesse, quand elle se lia d'amitié avec la plus solitaire de ses voisines, Sachiko, une jeune veuve qui élevait seule sa fille. Au fil des discussions, l’écrivaine remarque une certaine discordance dans les souvenirs de sa mère… les fantômes de son passé semblent toujours là - silencieux, mais tenaces.

D’après le roman de Kazuo Ishiguro - Lauréat du prix Nobel de littérature.



L'horreur de la Seconde Guerre mondiale ne se résume pas uniquement aux actes nazie, tant la décision atroce prise par les États-Unis de larguer deux bombes atomiques en l'espace de trois jours, sur le sol japonais à l'été 1945, alors que le conflit était terminé, démontre avec une férocité rare que la bêtise brutale de l'homme, plus que jamais d'actualité, n'a aucune limite mais aussi, purement et simplement, aucun remords face aux pertes humaines colossales que peut mener chaque excès de pouvoir.
Quatre-vingt ans plus tard, on mesure à peine les séquelles, l'impact psychologique, émotionnel et physique des explosions de Hiroshima et Nagasaki sur le peuple japonais, survivants irrémédiablement marqués d'une manière où d'une autre, de génération en génération, par des blessures qui ne se refermeront jamais vraiment.

Copyright 2025 A Pale View of Hills Film Partners / Metropolitan FilmExport 

C'est cette douleur, cette tragédie collective qui sert de colonne vertébrale au nouveau long-métrage de Kei Ishikawa, Lumière pâle sur les collines, adaptation du roman éponyme de l'écrivain britannique Kazuo Ishiguro (son premier roman, instant Wikipedia), qui ne renie jamais ses fondements littéraires de sa structure à son rythme, en passant par la précision de ses dialogues, lui qui articulé sa narration sur deux époques bien distinctes - le Nagasaki d'après-guerre au début des 50s et l'Angleterre rurale du début des 80s -, au plus près des aternoiments d'Etsuko et de sa jeune fille journaliste, elle dont les souvenirs de la vie au cœur de la lente reconstruction de la ville nippone (un mariage difficile, une amitié essentielle avec une voisine/mère célibataire, les horreurs de Shibuya,...) se heurtent à son existence résolument plus paisible mais pas moins meurtrie par le deuil, d'expatriée britannique.

Souvenirs qui se mêlent et se chevauchent brutalement, et qu'Ishikawa (qui s'inscrit sans trembler dans sa mise en scène, dans l'ombre du cinéma d'Ozu avec une caméra à hauteur des personnages et un montage synthétique, expurgé de tout tic superflu et toujours prompt à transcender le temps comme l'espace) sculte comme une mosaïque d'éclairs aux tons sépia, tel des rêves surréalistes à la fois flous et presque prêt à être oubliés - où contredits -, de vrais indices comme des fausses pistes nourrissant une quête de vérité sous fond de traumatisme, de culpabilité, de patriarcat oppressant et de déplacement culturel.

Copyright 2025 A Pale View of Hills Film Partners / Metropolitan FilmExport

Formidable portrait de femme(s) à la fois sensible et complexe, vulnérable et solaire, jonglant habilement entre fascination et douce désorientation, Lumière pâle sur les collines, dominé par un magnifique tandem Yoh Yoshida/Suzu Hirose, 
pas exempt de quelques asperites (notamment un dernier tiers un poil expéditif), se fait tout du long un beau et lancinant drame sur ses destins bousculés par la folie des hommes, qui décident de réinventer leur histoire sous le poids des impositions forcées, pour mieux la transmettre tout en sachant pertinemment qu'elles ne pourront jamais en guérir.

Une (très) jolie séance donc.


Jonathan Chevrier