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[CRITIQUE] : The House That Jack Built


Réalisateur : Lars Von Trier
Acteurs : Matt Dillon, Riley Keough, Bruno Ganz, Uma Thurman,...
Distributeur : Les Films du Losange
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Danois, Français, Suédois, Allemand.
Durée : 2h35min.

Le film est présenté hors-compétition au Festival de Cannes 2018

Synopsis :
États-Unis, années 70.
Nous suivons le très brillant Jack à travers cinq incidents et découvrons les meurtres qui vont marquer son parcours de tueur en série. L'histoire est vécue du point de vue de Jack. Il considère chaque meurtre comme une œuvre d'art en soi. Alors que l'ultime et inévitable intervention de la police ne cesse de se rapprocher (ce qui exaspère Jack et lui met la pression) il décide - contrairement à toute logique - de prendre de plus en plus de risques. Tout au long du film, nous découvrons les descriptions de Jack sur sa situation personnelle, ses problèmes et ses pensées à travers sa conversation avec un inconnu, Verge. Un mélange grotesque de sophismes, d’apitoiement presque enfantin sur soi et d'explications détaillées sur les manœuvres dangereuses et difficiles de Jack.



Critique :




Devenu persona non grata sur la Croisette avant d'être redevenu " in " cette année aux yeux du festival et de son big boss Thierry Frémaux, le retour de Lars Von Trier à Cannes (Hors-Compétition) était autant redouté qu'attendu au tournant par les cinéphiles que nous sommes.
Que l'on aime ou pas le cinéma du bonhomme, il est impossible de ne pas admettre qu'il propose, au-delà d'un sens indéniable de la provocation extrême, une pluie d'oeuvres singulières et formelles, totalement dédiées à retranscrire au pied de la lettre ses idées et névroses diverses, même les plus insondables.
Un cinéaste dont le cinéma n'est Vraiment pas fait pour tout le monde (malgré quelques films " abordables "), en somme, et son nouveau long-métrage, The House That Jack Built, suit scrupuleusement cette règle.



Odyssée d'une noirceur abyssale dans les méandres tortueux de la psyché d'un serial killer/psychopathe alignant les meurtres tous plus odieux les uns que les autres, le cinéaste danois, totalement focalisé sur son point de vue et articulant son récit sur cinq " incidents " importants de son parcours (un récit fragmenté rappelant fortement son diptyque Nymphomaniac), fait de Jack un artiste narcissique du Mal dont chaque crime est une pulsion créatrice qu'il se doit d'assouvir.
En dehors du cinéma de LVT, cette étude de la figure du tueur en série aurait sans doute pu être aussi fascinante que gentiment inconfortable, mais chez le réalisateur de Antichrist et Breaking The Waves, la balade sanglante et meurtrière prend tout de suite des allures de séance infiniment malsaine et captivante.



Fresque comico-métaphysique violente - aussi bien moralement que physiquement -, profondément provocatrice, grinçante et dérangeante, le cinéaste nous place au coeur (jusque dans sa mise en scène brute) de la perdition mentale d'un Matt Dillon effrayant, bourré de TOC et totalement habité par son rôle (sans doute l'une de ses meilleures performances à ce jour) et ose véritablement tout (quitte à faire de son héros un double fictionnel de lui-même) pour étayer son questionnement profond (l'art peut-il/doit-il déranger ?) et dépeindre une image nauséabonde de la nature humaine (ce qu'elle peut effectivement être, souvent), jusque dans un épilogue dément.



Pas aussi insoutenable que la rumeur l'avait annoncé, bien plus solide et cohérent que son Nymphomaniac, The House That Jack Built est une méditation autant sur la vie, la mort et l'art que sur la notion de mal, une oeuvre quasi-somme (tant le cinéaste ne cesse de citer son cinéma) ambitieuse, barrée et barbare.
Bref, LVT est de retour, et c'est une sacrée bonne nouvelle.

Jonathan Chevrier