[CRITIQUE] : Gérald le conquérant

Réalisateur : Fabrice Éboué
Acteurs : Fabrice Eboué, Logan Lefèbvre, Alexandra Roth, Vincent Solignac,...
Distributeur : Wild Bunch
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h24min

Synopsis :
Il s’appelle Gérald. Son objectif : redorer le blason de sa région de cœur, la Normandie. Sa méthode : bâtir le plus grand parc d'attractions du pays, à la gloire de Guillaume le conquérant. Et pour y parvenir, il est prêt à aller loin, très loin… Retenez bien ce prénom, car il va marquer l’Histoire !

Quoiqu'on en dise, il y avait un petit quelque chose de légèrement frustrant à la vision de chacun des films de Fabrice Éboué, pas uniquement ses aventures en solo - Barbaque et Co-Exister (qui recèlent pourtant autant de qualités que de défauts), puisque Le Crocodile du Botswanga nous laissait la même impression : s'il aborde avec une certaine audace le terrain méchamment sinueux de la comédie vacharde et subversive, dans l'ombre de feu Bertrand Blier (avec qui il partage un humour comme un sens de l'observation particulièrement affûtés et féroces), il peine inexplicablement à donner du corps à sa volonté (louable au demeurant) de mettre les pieds dans le plat en abordant des sujets sociétaux qui fâchent et/où au minimum titille le débat populaire, tout autant qu'à viser justement en tirant à peu près sur tout ce qui bouge - sans forcément pleinement toucher toutes ses cibles.

Reste que des cinéastes comme lui, qui portent l'entrejambe de sa caméra en bandoulière, est incroyablement important dans une comédie (société) française qui se complet mignon dans sa léthargie.
Mais contre toute attente, Gérard le Conquérant vient bousculer nos certitudes tant il incarne sa plus belle prose à ce jour, petit bout de cinéma qui vient bousculer de manière irrévérencieuse nos complexes sociétaux vis-à-vis de la norme et de ce (comme celles et ceux) qui s’en écarte, tout en corrigeant joliment le tir grâce à un procédé qui sied parfaitement au désir de provoquer par le rire, de Fabrice Éboué : le mockumentaire, qui lui offre une liberté salutaire et essentielle, renouant avec la douce folie de la cultissime sitcom (et déjà très marquée par The Office) Inside Jamel Comedy Club.

Baignant sans complexe dans l'exagération comme le politiquement incorrect le plus complet, le bonhomme compose un épisode de Strip-tease sauce C’est arrivé près de chez vous au cœur (où dans le fondement, c'est selon) la Normandie profonde, au plus près d'un nationaliste très (trop) fier d'être normand et à la tête d'une ferme pédagogique, un grand admirateur de Guillaume le Conquérant au point même qu'il a dans l'idée de vouloir lui consacrer un parc d'attraction, pour mieux remettre le patrimoine local sur le devant de la scène.

Une figure caricaturale et jusqu’au-boutiste volontairement pathétique, capable de tout - et surtout du pire -, un outil exceptionnel (qu'il campe lui-même) pour pleinement jouer la carte de l'expérience radicale et culottée, au sein d'une comédie grinçante et absurde taclant tout autant les ravages de la globalisation (qui était là pour nous parler du grand remplacement des vaches ?) que la dégringolade excessive de la récupération politico-idéologique de la notion d'identité nationale, dont l'expression n'a plus réellement de nuances avec celle du racisme; le tout en lâchant quelques chiquettes au Puy du fou, aux parisiens et au Pays de l'oncle Sam.

Alors certes, on pourra tiquer sur son rythme un poil décousu voire sa mise en scène rudimentaire (les limites d'un film à sketchs), mais le regard franchement dérangé et dérangeant d'Éboué nous pousse à ne pas trop être négatif.
Mais la séance est bien, bien plus chouette que redouté (et c'est déjà beaucoup).

Jonathan Chevrier