[CRITIQUE] : Climax
Réalisateur : Gaspar Noé
Acteurs : Sofia Boutella,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Français.
Durée : 1h35min.
Le film est présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2018
Synopsis :
Naître et mourir sont des expériences extraordinaires. Vivre est un plaisir fugitif.
Critique :
Constat brutal & hypnotique d'une humanité étouffée sous le poids de ses propres tares et pulsions, intense mais pas d'une radicalité sans bornes comme les précédents essais de Noé, #Climax est un bad trip vertigineux mais presque mineur au sein de la filmo viscérale du cinéaste pic.twitter.com/ExrKUbAo2i— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 25 mai 2018
Qu'on le veuille ou non, Gaspar Noé est sans contestation possible, l'un des metteurs en scènes les plus singuliers (logique) et importants du septième art hexagonal depuis plus de deux décennies maintenant, un artisan à part dont le cinéma transgressif déstabilise autant qu'il divise férocement les cinéphiles endurcis que nous sommes.
Si pour certains, ses films sont synonymes de révulsion voire même d'un profond dégout, pour d'autres - dont moi -, ils incarnent des expériences inoubliables, certes controversées (et parfois à la limite de l'insoutenable) mais tellement dérangeantes et jusqu'au-boutistes qu'elles en deviendraient presque nécessaires au sein d'une production française chérissant très mal la différence et les sales gosses qui la défendent caméra au poing.
De Seul contre Tous en passant par Irréversible, sans oublier Enter The Void, Noé est un put*** de formaliste génial, un sacré faiseur de trips furieux et uniques qui laissent sur le carreau la majorité de son auditoire.
Trois ans après le mélo porno Love (merveilleuse et puissante chronique sur la mélancolie amoureuse et la désintégration d'un couple sous fond d'amour gâché et de passé fantasmé), et tout récemment adoubé par la croisette Cannoise (sa seconde maison), le voilà donc de retour avec Climax, dont les premières images laissaient subtilement penser que le bonhomme était bel et bien de retour vers un cinéma plus trash - mais pas moins intense.
Ce qui est le cas au fond, tant le film, faussement simpliste, est une péloche qui (comme tout bon film de Noé) prend aux tripes et aux couilles, qui excite tout autant qu'elle émerveille par la beauté de ses plans; un vrai film bandant mais avant tout et surtout méchamment badant, même s'il reste un gros cran en deçà des autres oeuvres majeurs du metteur en scène.
Manipulant - comme toujours - son spectateur à sa guise au sein d'une lente décente aux enfers, tordant les corps jusqu'à l'extase (la folie ?), Noé, dès une introduction qui donne sérieusement le ton (avec un premier générique de fin à la clé !), est en totale introspection de son art (qu'il n'a de cesse de réinventer), embrasse la surenchère du mauvais gout (on est loin du gros délire gore et provoc, mais il dégueulait toute idée de surenchère auparavant) et privilégie la vérité d'un bad trip proprement organique qui aurait pourtant pu être plus viscérale et frontale.
Au plus près de ses personnages (une troupe de danseurs qui, exténuée après de nombreuses heures de répétitions, décident de se lâcher en faisant la fête), qu'il décortique leur transe fascinante ou qu'il leur offre une pluie de séquences dialoguées pour mieux laisser exploser leurs personnalités, sans forcément les rendre plus empathiques (miser sur un film quasi muet ou seul les corps parlent aurait pu être fantastique), avant de scruter avec un voyeurisme hypnotique leur douloureuse déchéance après une vague d'extase pure; le cinéaste fait de son Climax un huis clos lumineux et halluciné, un cauchemar sur pellicule incontrôlable porté par le constat horrifique d'une humanité (française) étouffée sous le poids de ses propres pulsions, une troupe où le " vivre ensemble " n'a jamais vraiment eu une once de chance d'exister.
Beau, brutal, vertigineux mais pas d'une radicalité sans bornes comme ses précédents essais, le Gaspar Noé nouveau est intense mais presque mineur au sein de la filmographie du bonhomme.
C'est dire le génie de son cinéma.
Jonathan Chevrier