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[CRITIQUE] : La Lutte des Classes


Réalisateur : Michel Leclerc
Acteurs : Édouard Baer, Leïla Bekhti, Ramzy Bedia, Tom Levy,...
Distributeur : UGC Distribution
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h43min.

Synopsis :
Sofia et Paul emménagent dans une petite maison de banlieue. Elle, brillante avocate d’origine magrébine, a grandi dans une cité proche. Lui, batteur punk-rock et anar dans l’âme, cultive un manque d’ambition qui force le respect ! Comme tous les parents, ils veulent le meilleur pour leur fils Corentin, élève à Jean Jaurès, l’école primaire du quartier. Mais lorsque tous ses copains désertent l’école publique pour l’institution catholique Saint Benoît, Corentin se sent seul. Comment rester fidèle à l'école républicaine quand votre enfant ne veut plus y mettre les pieds? Pris en étau entre leurs valeurs et leurs inquiétudes parentales, Sofia et Paul vont voir leur couple mis à rude épreuve par la « lutte des classes ».



Critique :


Autant homme de théâtre fascinant que trublion magnifique du PAF, le génial Édouard Baer n'a décemment pas connu une carrière cinématographique à la hauteur de son talent ou, au minimum, à la hauteur de son aura de dandy funambule incroyablement attachante.
Et si le bonhomme semble sensiblement mieux choisir ses projets sur grand écran depuis quelques années (Encore Heureux, Ouvert la Nuit dont il était également le metteur en scène, le brillant Mademoiselle de Joncquières l'an dernier), il nous est donc revenu en ce début d'année 2019 avec son genre de prédilection : la comédie populaire, avec le très sympathique (oui) Black Snake de Thomas Njigol et Karole Rocher, mais surtout La Lutte des Classes de Michel Leclerc, papa des excellents Le Nom des Gens et La Vie très privée de Monsieur Sim, qui signe à nouveau une étude de la société contemporaine aussi affutée qu'elle est gentiment pimentée.



Articulée autour du couple atypique Sofia et Paul (elle est une brillante avocate, lui est un batteur punk plus ou moins anarchiste), qui veulent le meilleur pour leur petit garçon Corentin - soit le déscolarisé de l'école publique pour l'inscrire dans l'institution catholique Saint-Benoït -, malgré tous les tiraillements qui en découleront, la cinquième réalisation de Leclerc, plus engagée que jamais, dénonce avec malice et pertinence la confrontation des idéaux d'une vie face à une société profondément capitaliste qui les remet constamment en doute quand elle ne peut pas les détruire avec férocité, en nous obligeant à partager et à adhérer à sa propre doctrine.
La stratification sociale, la "marginalité" face à l'uniformisation "forcée", l'optimisme face à la déshumanisation, un sujet lourd et férocement d'actualité, que le cinéaste aborde sans poser le moindre constat sociologique (pas un mal), en offrant uniquement sa propre perception au sein d'une fresque idéologico-cynique se jouant des clichés (l'embourgeoisement, l'idée d'être de gauche, la religion,...) pour mieux théoriser avec intelligence sur le bon vivre ensemble, cette idée furieusement utopique qu'un pays tel que le nôtre pourrait pleinement vivre dans un environnement moins asphyxiant avec plus d'entraide et... d'humour.



Ode humaniste à la tolérance, à la parentalité, la diversité et l'éducation (une belle défense des valeurs républicaines et de l'école publique), lucide sur le monde qui l'entoure, sérieuse sans forcément l'être, La Lutte des Classes, au titre jouant habilement du double-sens, est un petit bonbon acidulé qui certes ne nous apprend rien de plus que ce que l'on sait (amèrement) déjà, mais qui n'en est pas moins une belle balade drôle, pertinente et pas dénuée d'émotion, où l'excellent couple Édouard Baer/Leïla Bekhti se fait le porte-parole/représentant amusé et amusant de la France d'aujourd'hui.
Une jolie petite surprise de ce riche début de printemps ciné 2019.


Jonathan Chevrier



Avec son dernier film, Michel Leclerc confronte les idéaux à la réalité, entre compromis et intransigeance, La Lutte des Classes évolue en terrain connu pour le cinéaste après Le Nom des Gens ou Télé Gaucho. Néanmoins, ici, l’observation sociologique, qui donne sa force au film finit par en devenir sa plus grande faiblesse. Explications.
Dans un premier temps, Leclerc se montre convaincant. Esquissant la difficulté de l’époque a pouvoir être fidèle a ses idéaux, en effet ; quand Sofia et Paul décident de vendre leur appartement parisien ils prennent conscience de la plus-value de leurs biens ce qui enchante Sofia alors que Paul est ulcéré et veut revendre son appartement au même prix qu’il ne l’a payé.
Cette scène d’introduction va par la suite définir tous les ressorts du film. En effet, si Sofia apparaît comme plus souple, Paul est d’une tenace rigidité, pourtant — après un déménagement en banlieue — ils sont bien accord sur un point, leur fils, Corentin, restera à l’école publique coûte que coûte. À partir de là, le réalisateur évoque un modèle scolaire en panne, une mixité sociale ne parvenant plus à se faire et ne faisant qu’encourager les communautarismes. Pourtant, Sofia est le produit de cette école républicaine, incarnation même, de la méritocratie elle veut croire que ce modèle n’est pas à l’agonie.




Pour autant, le film ne pointe pas du doigt les parents ayant le désir de mettre leurs enfants dans le privé, même le père d’un ami de Corentin, vigile, souhaiterait pouvoir inscrire son fils dans le privé. Ce que tient à montrer La Lutte des Classes c’est que la mixité est primordiale, elle est celle qui permet de s’écouter, se comprendre et ainsi vivre ensemble malgré les différences. Mais, malheureusement le long-métrage va bien vite patiner.
Car, dans un second temps, Leclerc se perd, ne parvenant pas à dépasser le stade de l’observation il peine a créer une histoire avec de réels enjeux. Trébuchant sur des rebondissements franchement dispensables, le film ne démarre jamais vraiment, bloquer dans cette étude clinique de l’école il finit par offrir un propos tiède. C’est ici, que réside tout le problème de ce long-métrage ; ce qui aurait pu se présenter comme une satire s’étiole peu à peu en un film sur fond social, mais qui ne tranche pas grand-chose et s’embourbe dans sa volonté à ménager toutes les sensibilités. Sa fin, abracadabrantesque, fait virer le film dans un burlesque peu approprié — ou tout du moins mal amené, qui doit ainsi délivrer son message, mais peine a totalement convaincre.




Voilà donc le problème avec La Lutte des Classes, Leclerc ne parvient pas à raconter quelque chose. Alors bien sûr, ici et là, réside quelques bonnes réflexions, quelques bonnes scènes également, mais au bout de 40 minutes le film a déjà tout dit et tour en rond.



Thibaut Ciavarella