[CRITIQUE] : No Beast. So Fierce


Réalisateur : Burhan Qurbani
Acteurs : Kenda Hmeidan, Verena AltenbergerHiam AbbassMona Zarreh Hoshyari Khah,...
Distributeur : Pan Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Allemand, Français, Polonais.
Durée : 2h22min

Synopsis :
Après une guerre des gangs avec la famille Lancaster, Rashida, la plus jeune fille des York, prend le pouvoir et devient la cheffe de la pègre berlinoise.
Librement adapté de Richard III de William Shakespeare.




Les réinterprétations modernes de l'œuvre démesurée de Shakespeare ont beau être légion (et le mot est faible), celles qui manquent durablement la rétine, pas tant par le respect du matériau d'origine que leur propension à s'en démarquer, se comptent sur une main méchamment amputée.

Un peu à l'image du baroque et pop Roméo + Juliet de Baz Luhrmann, qui s'amourachait du totem de toutes les romances tragiques, le cinéaste afghano-allemand Burhan Qurbani, habitué aux monuments littéraires (il avait fait du Berlin Alexanderplatz d'Alfred Döblin, une descente aux enfers stylisée et exhaustive en 2021), joue la carte de la réinterprétation singulière, à la fois brutale et puissance, avec sa réappropriation libre et au féminin des lignes de Richard III, No Beast. So Fierce qu'il pense comme une fusion entre Gangs of London et Le Parrain avec la sensibilité transgressive de Pasolini, le tout catapulté au cœur du milieu de la pègre berlinoise dont le contrôle est partagé entre deux familles - les Lancaster et les York.

Copyright Pan Distribution

Tout un programme donc, une nouvelle fois dans la stricte lignée de son Berlin Alexanderplatz, peuplé par les mêmes figures (des migrants/minorités condamnés - où presque - aux ghettos et à la criminalité) et une méditation tout aussi bruyante et pétaradante des notions du bien et du mal, avec une théâtralité cela dit nettement moins exacerbée.

Car le Burhan met la gomme ici, et pas qu'un peu (trop sans doute), odyssée sanglante et tortueuse dans une capitale allemande infernale (incroyable travail de la décoratrice Jagna Dobesz, qui fait de Berlin un véritable purgatoire sur terre) qui ne semble jamais assez grande pour encapsuler la haine que se vout les personnages et leur quête assoiffée de pouvoir, vissé au plus près du Rise and Fall frappé par le sceau d'une soif inconditionnelle de pouvoir de Rashida (Richard donc), la plus jeune fille des York qui s'est violemment hissée tout en haut de la chaîne alimentaire, elle qui n'était jusqu'alors qu'un pion dans un échiquier impitoyablement dominé par les hommes.

Copyright Pan Distribution

Chaotique et sauvage, luttant continuellement contre le poids de sa propre théâtralité avec une inventivité et une fougue rare, No Beast. So Fierce ne conviendra pas à toutes les rétines mais mérite décemment qu'on lui laisse sa chance, ne serait-ce que pour la bête féroce qu'il fait héroïne, incarnée avec prestance par une Kenda Hmeidan qui bouffe littéralement l'écran - et à qui répond une toute aussi charismatique Verena Altenberger.

Une belle étoile est née, et on espère la revoir très vite à l'avenir.


Jonathan Chevrier



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