[CRITIQUE] : Holland


Réalisatrice : Mimi Cave
Acteurs : Nicole Kidman, Gael García BernalMatthew MacfadyenJude Hill,...
Distributeur : Amazon Prime Vidéo France
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h48min

Synopsis :
Croyant son mari infidèle, une femme décide de faire de même de son côté. Jusqu'au jour où elle se rend compte que son époux est en fait un tueur en série.




On se souvient tous de la petite bombe Fresh de Mimi Cave, sortie presque nulle part à l'hiver 2022, péloche si éloigné du tout aussi amer Promising Young Woman dans son mélange d'allégorie moderne et d'horreur, elle qui tissait habilement autant une saillie intelligente sur l'exploitation du corps des femmes, qu'une critique acérée de l'horreur tapie dans l'ombre des rencontres modernes.
Le tout avec une propension à joyeusement brouiller les frontières entre la comédie romantique, le thriller horrifique et le revenge movie... pas mal pour un premier long-métrage.

Autant dire donc que le nouvel effort de la cinéaste, Holland (toujours flanqué sur une plateforme, du côté de Prime Vidéo cette fois), était méchamment attendu au tournant, promesse d'une fusion entre le côté savoureusement camp du cinéma de Todd Haynes, un ton néo-noir à la lisière du cinéma de David Lynch et la paranoïa suburbaine piquante de Stephen King, avec pour cadre faussement parfait un Midwest bouffé par ses sombres secrets (ici la ville Holland qui, comme l'annonce son nom, assume jusqu'au bout de ses tulipes sa filiation avec... le pays des tulipes).

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Sacrée promesse donc (du Blue Velvet sans gangsters psychopathes, sans un Kyle MacLachlan gentiment pervers ni une Isabella Rossellini à la voix suave), jamais réellement tenu à l'écran par un thriller apathique et sans vie à l'intrigue à la fois familière et confuse (une enseignante soupçonne son époux optométriste d'avoir une liaison, avant de réaliser que le bonhomme, après une méticuleuse enquête auprès d'un collègue avec qui elle se rapproche dangereusement, qu'il ne serait rien de moins qu'un tueur en série); une séance tellement consciente d'elle-même et de ses effets qu'elle auto-sabote une tension jamais pas contrebalancée par quelques petites touches d'humour noir (cher autant aux frangins Coen qu'à Fresh) pourtant salvatrice.

Privilégiant une approche excessivement lente pour réunir les pièces branlantes d'un puzzle mystérieux dont la conclusion est, à défaut d'être convaincante, au moins sanglante, l'écriture d'Andrew Sodroski manque cruellement de profondeur et de substance (comme si elle était effrayée par une noirceur avec qui elle semble pourtant continuellement flirter), expurgée qu'elle est de toute réflexion sur les mensonges et l'artificialité des apparences, de toute ironie derrière les actions de son héroïne (une épouse qui, en cherchant à prouver une - fausse - infidélité de son mari, est à la limite même d'en commettre une... du pur Coen, encore une fois).

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Un vide qui se ressent jusque dans la mise en scène sans ampleur ni énergie de Cave qui, malgré la présence du talentueux Pawel Pogorzelski à la photo (collaborateur habituel d'Ari Aster), n'arrive jamais à supplanter l'aspect stérile du drame qu'elle déroule mécaniquement.
Reste une Nicole Kidman parfaite en matriarche qui aspire à préserver l'unité de sa famille et son image parfaite, tout en inspirant viscéralement à vivre autre chose, unique lueur d'un film qui pédale avec ses sabots dans la semoule.

Les Coen nous manquent, mais David Lynch encore plus...


Jonathan Chevrier



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