[Y-A-QUOI A LA TELE CETTE SEMAINE ?] : #161. Semaine du 8 au 14 mai
Chaque semaine je continue à faire — pour vous — le tour des programmes TV en extirpant de tout cela une offre cinématographique autour de trois œuvres. Mais, je vais aussi vous proposer des contre-programmations ainsi que des secondes parties de soirée pour les cinéphiles insomniaques.
Semaine du 8 Mai au 14 Mai
Dimanche 8 Mai. Douleur & Gloire de Pedro Almodovar sur Arte.
Une série de retrouvailles après plusieurs décennies, certaines en chair et en os, d’autres par le souvenir, dans la vie d’un réalisateur en souffrance. Premières amours, les suivantes, la mère, la mort, des acteurs avec qui il a travaillé, les années 60, les années 80 et le présent. L’impossibilité de séparer création et vie privée. Et le vide, l’insondable vide face à l’incapacité de continuer à tourner.
Avec Douleur & Gloire, Almodovar démontre qu’il maitrise, plus que jamais, son cinéma. Ce qui lui permet d’offrir une œuvre purement Almodovarienne et qui pourtant surprend par sa pudeur, sa subtilité, son quasi-minimalisme. Un film tel un labyrinthe où le cinéaste évoque les douleurs d’une vie, les pertes, les amours abimés, la santé qui décline. Il s’y précipite des figures de son cinéma, la mère (Pénélope Cruz splendide), figure pivot de ses obsessions, les amants, mais également, le premier désir, magnifique moment d’une splendide érotisation. Ce qu’évoque le cinéaste a la crinière grisâtre, est d’une rare simplicité, car, en maitre qu’il est, il parvient à capter la vie dans ce qu’elle a de plus vrai, de plus prévisible et pourtant d’inattendu. Cette flânerie de l’esprit se couple à la passion du cinéma, ici elle absente et créer dès lors une douleur, intense. D’une bien belle manière, Almodovar filme le cinéma comme le seul médicament qui peut faire disparaitre les douleurs. Sublime.
Jeudi 12 Mai. Les Infiltrés de Martin Scorsese sur France3.
Billy, un jeune policier de Boston, a pour mission d’infiltrer le gang d’un puissant parrain irlandais, Frank Costello. De son côté, Colin Sullivan, proche du même caïd, intègre la police. Mais un jour, mafieux et policiers comprennent, chacun de leur côté, qu’un indicateur se cache parmi eux.
Les Infiltrés fait, encore aujourd’hui, office de dernière œuvre contemporaine du cinéaste, un statut qui lui donne une certaine saveur. Ici, Scorsese s’adonne à un exercice peu reluisant, celui du remake d’un film étranger — en l’occurrence hongkongais ; mais, peu enclin a ne signer qu’une redite, le metteur en scène s’empare du matériau de base pour mieux le tordre, malaxer, triturer donnant ainsi naissance à une œuvre passionnelle, névrotique, méandreuse. Soutenu par un casting au diapason, de Jack Nicholson à Leonardo DiCaprio, Les Infiltrés est l’illustration parfaite d’un réalisateur en pleine possession de son art, parvenant a articuler, dans cette angoisse latente, un grand spectacle adrénalitique qui captive de bout en bout. Alors, bien sûr, on peut ensuite se questionner, est-ce que ce film, dans la carrière de son cinéaste était celui qui méritait le plus de le voir récompenser de l’Oscar du meilleur réalisateur ? Oui et non, car si Scorsese a fait mieux, il faut bien avouer que sa maitrise, ses obsessions, son sens du cinéma fait de ce remake un film parvenant à faire oublier son statut initial.
Vendredi 13 Mai. The Constant Gardener de Fernando Meirelles sur Cherie25.
Diplomate anglais, Justin Quayle est affecté au haut commissariat britannique du Kenya, à Nairobi afin de superviser les aides humanitaires de son pays. Son épouse, la jeune avocate Tessa milite aux côtés des ONG. On la retrouve un jour assassinée dans sa Jeep, près du lac Turkana.
The Constant Gardener, comme le bouquin de John LeCarré, est un film dense. Tout à la fois, document éclairant sur le business humanitaire qui entremêle gouvernements et laboratoires pharmaceutiques, thriller époumoné et chronique intime sur la perte et le deuil qui en découle. Cela aurait pu donner une œuvre disparate, ne sachant jamais réellement ce qu’elle veut être ou dire, c’est tout le contraire. Fernando Meirelles fait preuve d’une aisance dans sa narration afin d’offrir un récit sensible, voir même bouleversant sur un homme qui, par amour, va poursuivre le but que son épouse s’était fixé, peu importe que celui-ci soit presque intenable. Oui, The Constant Garderner est un film embrassant le romanesque pour mieux distiller son discours éminemment politique. Et c’est peut-être là que réside sa plus grande force.
Thibaut Ciavarella