[FUCKING SERIES] : And Just Like That... saison 3 : La fin... avant la prochaine fin ?
" À quoi bon ", si le trio Sonia Lacen, Sebastien Lorca et Steve De Paz nous avait dégainé la question au sein de la comédie musicale Les Mille Et Une Vies D'Ali Baba (référence de boomer certes mais aussi et surtout de fan de comédie musicale, donc calmes-toi un peu cher lecteur), c'était clairement la réflexion qui perlait à la bouche de chaque fan de Sex and The City, à l'annonce de la mise en route de And Just Like That...
Un legacyquel méchamment tardif venue tromper le déni planétaire face à l'existence du second film de la franchise (une purge sans nom), mais également entacher un brin ce qui était un final résolument réussi : non pas le premier film (quoique, cela peut se discuter), mais bien l'ultime épisode de la série mère, avec une Samantha battant le cancer comme la ménopause pour retrouver son orgasme perdu, une Miranda se rapprochant joliment de sa belle-mère (dans l'une des plus belles scènes de la série), une Charlotte prête à adopter et enfin, une Carrie sauvée des griffes de la monotonie parisienne et du terrible (surtout égocentrique et fragile) Alexander Petrovsky, par un Mr. Big sauvage et adoubé par ses besties, qui lui avouait pour de bon son amour.
Pas besoin de plus de gras dans ce gros morceau de jambon industriel, le fan était heureux et tout était bien qui finissait bien dans une Grosse Pomme tout en luxe, en sexualité et en unions épanouies.
Mais à une heure où le reboot à la cuisse fragile, il était presque écrit d'avance que les Fab Four, passé un troisième opus cinématographique qui n'a jamais réellement pu se monter, ne perdraient pas de temps pour faire leur retour et, à nouveau, nous jouer un mauvais tour (non, on ne digérera jamais le second film).
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Exempté de la présence d'une Samantha Jones/Kim Catrall pour qui l'odeur des nombreux zéros derrière le chéquier, ne couvrait pas assez les reflux putrides et opportunistes de ce revival (son absence est et restera le gros point noir de la série, mais on ne peut pas réellement la blâmer de ne pas avoir répondu - pour plusieurs raisons, dont les tensions avec SJP - à l'appel), la série a donc débarqué en grande pompe sur Max, fière de saccager en l'espace d'une poignée d'épisodes ce que les six premières saisons (et le premier long-métrage) avaient chèrement bâties, dans une sorte de fourre-tout jouant la carte du Bigger and Louder tout en évitant plus où moins subtilement les maladresses du passé (manque de diversité, caricature de la communauté LGBT,...).
Résultat, au-delà de quelques personnages insérés au chausse-pied (et totalement écrasés par le trio titre), Carrie devenait veuve et retournait sentimentalement à la case départ - mais avec plusieurs millions dans ses boîtes à chaussures -, Miranda opérait son coming-out et encaissait à nouveau une pluie d'humiliations que seul son personnage pouvait subir, et Charlotte tournait douloureusement en rond dans sa vie d'épouse comme de mère à plein temps.
Pire, le personnage n'écrivant plus (où, tout du moins, plus au début), le show était privé de ce qui était le sel de la série : la narration à la première personne de Carrie, qui a défini et dynamisé chaque épisode avec ses nombreuses réflexions nourrissant aussi bien ses textes que les aventures de ses meilleures amies.
Sans ses réflexions/commentaires introductifs souvent drôles voire même scientifiques (puisqu'ils amenaient à une exploration aux regards multiples, du laboratoire de la vie urbaine de la fin des 90s et du début des années 2000), chaque épisode n'aurait été qu'un empilement d'événements noués autour d'intrigues dispersées, au cœur même d'une satire sensiblement exacerbée.
Et le fait que And Just Like That... ne cherche pas à suivre ce même fil conducteur, ce même mécanisme essentiel était presque un aveu d'échec, l'aveu même d'un manque de cap pour une extension qui n'arriverait jamais à justifier son existence - et encore moins sa pertinence.
Manhattan a beau être une terre de contrastes et de tous les possibles, trop c'est trop.
Miracle de la fée des intrigues pourries et/où des rattrapages de dernière minute, cette troisième - et donc dernière - saison de And Just Like That... est celle qui se rapproche in fine le plus de l'aura Sex and The City, avec un retour de la voix-off (parce que Carrie écrit un roman... d'accord) mais avant tout et surtout avec une vraie re-connexion avec ses personnages, notamment encore une fois avec une Carrie plus libre que jamais - comme à ses débuts -, qui ne se caractérise plus uniquement par ses relations amoureuses (quand bien même on lui raccroche à la pochette Gucci, un Aidan beaucoup trop présent, entre relations sexuelles téléphoniques maladroites et éducation parentales méchamment douteuses) où les douleurs/traumatismes qu'elles imposent.
Ce qui n'était jusqu'ici qu'un feuilleton à la légèreté/futilité assumée qui regardait continuellement dans le rétroviseur (surtout la première saison, un peu moins la seconde), tout en étant totalement déconnecté du contexte de l'Amérique contemporaine (d'autant que le déballage de richesses y est encore plus décomplexé), redevenait enfin une exploration épisodique et gentiment stéréotypée des aléas du sexe et des relations amoureuses, embaumée par les douces effluves de la découverte où chacune de nos héroïnes semblaient enfin se retrouver (d'autant que l'alchimie folle entre Sarah Jessica Parker, Cynthia Nixon et Kristin Davis, est toujours intacte), sans forcément être écrasées par leurs propres écosystèmes particulièrement corsés.
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Et ça matche assez bien il faut l'avouer, tant on se passionne bien plus pour les aternoiements de Carrie (de son roman fictionnel à sa potentielle idylle avec son voisin, qui la libère de la sempiternelle dualité Big vs Aidan et son sentiment obstinée qu'elle n'était destinée qu'à ses deux hommes), on ne peste plus sur ceux de Miranda (passé un tsunami d'indignités, elle a désormais un quotidien sentimental plus stable et elle renoue avec l'assurance qui la caractérisait si bien) et encore moins ceux de Charlotte (si ses petites sous-intrigues ineptes ne l'ont pas lâchées, des événements plus pertinents et moins frivoles - coucou Harry - lui arrivent cette saison... tant mieux), et on arrive presque même à accepter le statut dégainé au forceps, de Seema en tant que nouvelle Samantha (en bien, bien moins croquée).
Une saison, plus où moins vendue comme la dernière par Sarah Jessica Parker comme par Michael Patrick King (la saga Carrie Bradshaw n'est pas pour autant officiellement close), à la fois mélancolie et drôle (même si trop potache pour son bien) qui trouve son paroxysme dans un double épisode final qui se refuse à conclure ses arcs de la manière la plus satisfaisante, preuve d'une maturité tardive d'un show qui s'était perdu dans les limbes du conventionnel, à force de ne jamais trouver sa propre voie dans la tentative de superficiellement recréer une magie passée inéluctablement perdue.
C'est au moment même où And Just Like That... affirme sa propre liberté de choix et son excentricité, comme une Carrie qui s'affirme en comprenant qu'elle n'avait besoin que d'elle-même et de ses amis pour avancer (et non sa sempiternelle quête de l'amour), que la série se hisse enfin au sommet et à la cohérence qu'elle pouvait prétendre.
Dommage que tout arrive au moment du clap de fin donc, pas la seule frustration d'un moment de télévision assez dispensable qui les compte à la pelle...
Jonathan Chevrier