[CRITIQUE] : Brief History of a Family

Réalisateur : Jianjie Lin
Avec : Zu Feng, Xilun Sun, Ke-Yu Guo, Muran Lin,…
Distributeur : Tandem
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Chinois, Français, Danois, Qatari.
Durée : 1h40min

Synopsis :
Wei est le fils unique d’une famille aisée, dans la Chine moderne et urbaine. Alors qu’il se rapproche de Shuo, un camarade d’école plutôt mystérieux, celui-ci commence à s’immiscer dans leur quotidien. Peu à peu, sa présence semble perturber l’équilibre familial.

Il y a des premiers films remarquables qui marquent autant de par la qualité ineffable qui les caractérise, que par la rigueur souvent exceptionnel dont il exploite leur(s) sujet(s)/thématique(s), motivés par une détermination sans borne à frapper son spectateur là où ça fait mal, et d'imprimer durablement ses rétines.

Sans contestation possible, le cinéma encore naissant mais déjà joliment percutant de Jianjie Lin, s'inscrit dans cette authentique vérité et ce dès son premier effort donc, Brief History of a Family, qui vient ausculter les cicatrices de la politique - controversée - de l'enfant unique en Chine (une natalité contrôlée qui n'est désormais plus d'actualité, mais qui a tellement marqué le pays qu'il a été confronté à une baisse spectaculaire de la natalité, au lendemain de l'abolition de cette mesure), à travers les vérités d'une famille brisée qui va voir l'arrivée d'un " intrus " rabattre les cartes d'une dynamique déjà instable sous la surface.

Soit le (très) réservé Yan Shuo, issu d'un foyer de classe inférieur et brisé (sa mère est décédée et il est battu par un père continuellement ivre), qui rencontre - après un incident au lycée - Wei et sa famille aisée, avec qui il va lentement mais sûrement développer une complicité étrange avec le jeune homme (des liens que Wei ne peut lui-même pas nouer avec ses propres géniteurs), qui se prennent immédiatement d'affection pour lui, et indirectement faire ressurgir de vieilles blessures.

Tensions conjugales, entre insatisfaction d'une mère bouffée par la solitude qui a dû abandonné sa carrière d'hôtesse de l'air pour sa maternité (et un rejeton qui l'ignore), dureté d'un père face à l'indifférence d'un fils qui refuse ses perspectives d'avenir; le cinéaste (ancien généticien, loin d'être un détail) use et s'amuse des différents rapports de force comme des non-dits entre ses personnages - taillés à la serpe -, au cœur d'un thriller psychologico-social clinique, cousin du Théorème de Pasolini où le microcosme de la cellule familial, étudié au microscope, se fait le symbole d'un écosystème façonné par sa politique restrictive.

Une séance pas forcément originale pour un sou certes mais profondément singulière (renforcée par la photographie merveilleusement glaciale de Zhang Jiahao comme par la mise en scène précise de Jianjie Lin) et au malaise croissant, qui vaut fièrement son pesant de pop-corn au sein d'un été particulièrement riche en expériences hautement recommandables.

Jonathan Chevrier