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[CRITIQUE] : Salve María


Réalisatrice : Mar Coll
Acteurs : Laura Weissmahr, Oriol Pla, Giannina Fruttero, Belén Cruz,...
Distributeur : Dulac Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Espagnol.
Durée : 1h51min

Synopsis :
María, une jeune écrivaine qui vient de devenir mère, se passionne pour un fait divers perpétré non loin de chez elle. Obsédée par celle qui a commis l'irréparable, elle cherche à comprendre son geste. L’écriture devient alors son seul moyen d’appréhender l'expérience de sa propre maternité, tandis que l'ombre de cet événement tragique plane sur elle, comme une possibilité vertigineuse.




Au sein d'une distribution annuelle de plus en plus dense, ce qui est à la fois une bénédiction (on ne compte plus les belles découvertes au fil des mercredis) et une source de frustration incroyable (car il est humainement impossible de tout voir, sauf cas exceptionnels), il n'est désormais plus rare de voir l'émergence d'œuvres issus d'industries en pleine essor - où très rarement célébrées -, squatter des salles obscures au milieu de grosses productions rutilantes américaines, où de comédies populaires bien de chez nous.
Un éclectisme qui est aussi bien une chance qu'une force (même si beaucoup n'en ont pas conscience), et que l'on se doit se préserver en ouvrant, justement, nos horizons au moins autant que les petits distributeurs courageux, tentant des paris souvent à la lisière du casse-gueule - pour rester poli.

Copyright Dulac Distribution

S'il est vrai que cette semaine - voire même une bonne frange de l'été -, l'attention générale est gentiment polarisée du côté d'un giron fantastique particulièrement loquace (quand bien même ses plus récents représentants en salles, sont loin d'être des séances défendables), difficile de ne pas lâcher un petit coup d'œil chez la production de nos voisins espagnols avec le puissant Salve María, estampillé troisième long-métrage d'une discrète mais brillante cinéaste Mar Coll, qui n'a pas eu besoin de trop s'échiner pour mériter sa place au sein de la belle liste de talents émergents de la péninsule ibérique (Jonás Trueba, Carla Simón, Elena López Riera où encore Celia Rico), avec sa mise en images délicate de sujets de société brûlants : les incompréhensions autour de l'identité - sociale comme intime - du rôle de mère ou encore l'infanticide, qu'elle ne narre pas frontalement à l'image du magistral Saint Omer d'Alice Diop (avec qui plusieurs parallèles sont totalement légitimes), mais dont le fantôme hante littéralement tout son récit.

Habituée à croquer des personnages féminins à la fois fort et dense, modestes tout en étant poussés à bout par les exigences de leur environnement, Coll  accompagnée de sa co-scénariste Valentina Viso (elles adaptent, librement, le roman Pas les mères de l'écrivaine basque Katixa Agirre), relève d'un cran la complexité de ses figures en scrutant le trouble d'une jeune mère et écrivaine prometteuse, au bonheur en apparence parfait, mais dont la découverte d'un fait divers macabre - une femme française ayant noyé ses jeunes jumeaux de dix mois dans sa baignoire -, vient réveiller ses propres questionnements face à un quotidien petri de solitude et sans épanouissement, entre une maternité tout en inquiétude (où ses angoisses comme ses rejets face à sa progéniture ne sont jamais prises au sérieux, et encore moins comme un reflet de sa propre instabilité psychologique) et les injonctions/pressions d'une société patriarcale qui emprisonnent jusqu'à l'étouffement.

Copyright Dulac Distribution

Lente et captivante descente dans les abîmes d'un combat intérieur poignant et viscéral, que la cinéaste capture tout en représentations percutantes et en absence - salutaire - de jugement, Salve María aborde la maternité d'une manière introspective et douloureusement réaliste, où les zones d'ombres viennent savamment supplanter les stéréotypes faciles.
Un thriller psychologique percutant et labyrinthique flirtant parfois langoureusement avec l'horreur, dominé de la tête et des épaules par la prestation investie et intense d'une impressionnante Laura Weissmahr - et justement célébré pour celle-ci aux derniers Goyas.

L'une des séances indispensables du moment.


Jonathan Chevrier