[CRITIQUE] : Manas


Réalisatrice : Marianna Brennand
Acteurs : Jamilli Correa, Fátima MacedoRômulo BragaDira Paes,...
Distributeur : Bodega Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Brésilien, Portugais.
Durée : 1h41min

Synopsis :
Marcielle (Tielle), treize ans, vit sur l'île de Marajó, au cœur de la forêt amazonienne avec ses parents, ses frères et sa petite sœur. Elle grandit avec des rêves d’émancipation, inspirée par le départ de sa sœur aînée ; mais, sur les barges le long de la rivière, ses illusions commencent à s'effondrer, révélant un monde d'exploitation et d'abus qui gangrènent sa communauté. Elle est déterminée à se protéger et à accéder à un avenir meilleur…




L'Amazonie brésilienne qui sert de toile de fond au troisième long-métrage de la cinéaste Marianna Brennand, Manas - son premier de fiction -, n'a strictement rien de paradisiaque, quand bien même son cadre, l'île de Marajó, tend à laisser penser tout le contraire.
Dans ses terres éloignées, seules les traditions du passé prévaut, pratiques archaïques imposées au forceps et (souvent) dans la violence, rarement voire jamais remises en question, qui apparaissent presque naturelles pour celles et ceux qui les suivent, tant ils ne peuvent réellement sans départir.

Copyright Bendita Film

C'est dans ce contexte oppressif et précaire que l'on suit les atermoiements de la jeune Marcielle/Tielle (une impressionnante Jamilli Correa, dont toutes les émotions passent par son visage incroyablement expressif), fraîchement entrée dans l'inconnue d'une puberté qu'elle cache consciemment aux siens, totalement consciente qu'elle est du fonctionnement d'une région où les ignominies masculines sont normalisées (comme la prostitution, à la fois motivée par la famille pour plus d'indépendance financière, tout en étant hypocritement désapprouvée par toute la communauté), mécanique abjecte contre laquelle elle est impuissante.

Récit tout aussi brut et puissant que tout en pudeur d'une enfance brisée par la violence des hommes, dont l'horreur est intelligemment laissée hors-champ (pas besoin d'être plus explicite pour que le message soit clair), capturé au détour du portrait d'une gamine qui se fait femme par la force des choses, et qui essaye tant bien que mal d'exercer un semblant de contrôle sur sa propre vie en " choisissant " à quelle brutalité physique et émotionnelle elle devra se soumettre - en gros, la prostitution où l'inceste -, elle qui n'est de toute manière même plus en sécurité sous son propre toit (son père est, littéralement, un monstre assoiffé de chair là où sa mère, plus complexe, est autant une complice qu'une victime, symbole d'une féminité réduite au silence, résignée et sans voix au sein de la communauté).

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Dénué de tout voyeurisme putassier dans son exploration crue de l'inéluctable où elle part de la proximité des corps pour mieux marquer les esprits, Marianna Brennand pointe avec justesse la nécessité de briser la dynamique sociale qui normalise les abus tout autant au sein des familles que de toute une communauté, où les hommes cachent leur immoralité pourrie sous le mince voile de la religiosité.

Un homme qui détruit et ravage tout, de cette forêt amazonienne soumise au capitalisme et à la déforestation, nature souillée et usée jusqu'à la moelle, aux femmes, figures matricielles toutes aussi soumises à ses abus et à sa brutalité.


Jonathan Chevrier



 

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