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[CRITIQUE] : Eddington


Réalisateur : Ari Aster
Acteurs : Joaquin Phoenix, Pedro Pascal, Austin Butler, Emma Stone, Luke Grimes, Micheal Ward,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Comédie, Thriller, Western.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h25min

Synopsis :
Mai 2020 à Eddington, petite ville du Nouveau Mexique, la confrontation entre le shérif et le maire met le feu aux poudres en montant les habitants les uns contre les autres.




Il y a quelque chose de merveilleusement ironique dans le fait que le cinéma ambitieux et psychanalytique d'Ari Aster, trouve sa pleine expression dans ce qui est le mal endémique le plus persistant du cinéma américain moderne : une excessivité totalement exacerbée, à l'image même d'un pays qui, sous le double mandat de Trump, à basculer dans une vague de régression de plus en plus dangereuse (ne jouons pas les juges de pacotille, notre nation sous les divers gouvernement de la Macronie, n'est pas vraiment apte à émettre le moindre jugement).

Une chute vers l'avant sans parachute qui a poussé une vague de cinéastes à la vision plus où (surtout) moins affûtée, de Damien Chazelle à Alex Garland en passant par Brady Corbet et donc Aster, à tâter de la parabole tout en explorant les limites du postmodernisme, narrativement comme esthétiquement.

Copyright Metropolitan FilmExport

Passé la comédie noire kafkaïenne façon crise de panique surréaliste Beau is Adraid, qui épousait les névroses et le désespoir existentiel du cinéma de Charlie Kaufman, dans une réflexion aussi confessionnelle que troublante sur la capacité que peut avoir l'anxiété profonde à dominer notre psyché autant que notre imaginaire; le cinéaste enfonce le clou et sans kekette géante avec Eddington, plongée déglinguée et confuse au cœur du chaos justement tout aussi furieusement confus de l'Amérique contemporaine, dont le déséquilibre volontaire se nourrit de celui qui anime la politique actuelle.
Où comment le chaos nait du chaos, où comment le chaos se fait à la fois un défaut cinématographique comme un atout improbable - mais puissant.

Et question chaos, Aster s'en taille une sacrée bonne tranche, en catapultant sa fable dystopique et politique désabusée au cœur d'une ville fictive du Nouveau-Mexique, à une époque charnière : mai 2020, au plein boom de la pandémie du COVID-19 et en pleine ébullition suite à la mort tragique de George Floyd, dans une Amérique profonde au négationnisme affirmé, comme son refus de se soumettre aux différentes mesures sanitaires.
Une Amérique au bord de la guerre civile et loin d'être éloignée de celle ayant prise d'assaut le Capitole, dont tous les maux et tensions sont condensés sur un petit patelin, poudrière vivante et dévastée d'une certaine idée du pays de l'oncle Sam, tiraillée par l'affrontement Fordien entre un shérif et son maire.

Copyright Metropolitan FilmExport

En prenant acte de tous les travers comme de tous les dangers qui la menace - et par extension, sa nation - Aster la laisse, non sans un esprit merveilleusement vachard, s'immoler par elle-même dans une sorte de farce existentialo-nihiliste à la sauce western, à mi-chemin entre les cinémas de Peckinpah et des frères Coen, qui n'a que pour seul vrai défaut d'être sous le joug d'une gourmandise incontrôlée dans sa volonté d'allumer un maximum de mèches possible (inégalités sociales, racisme endémique, violences policières décomplexées, Black Lives Matter, scandales d'abus sexuels, populisme informationnel et fakes news, théories du complot, polémique sur les masques, sous-texte écologique,...), à défaut de toutes convenablement les aborder/exploiter (à l'instar de ses personnages, tous plus où moins bien brossés à l'exception de son duo titre).

Cynique as hell - son humour est joliment inconfortable -, tout autant brutal et cruel que pathétique et grotesque (jusque dans sa manière d'étirer plus que de raison son délire jusqu'à l'extrême), dominé par un Joaquin Phoenix absolument génial (Aster a trouvé son alter-ego parfait pour gérer toutes les nuances de ses changements de tons souvent abruptes), Eddington est une sombre parabole d'un pays en perdition, qui se laisse aller à déterrer tous ses fantômes dans une danse macabre où personne n'en ressortira indemne.
Le bad buzz le plus incompréhensible de la dernière réunion cannoise...


Jonathan Chevrier