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[CRITIQUE] : Freaks Out


Réalisateur : Gabriele Mainetti
Avec : Claudio Santamaria, Aurora Giovinazzo, Pietro Castellitto, Giancarlo Martini, Franz Rogowski, …
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Aventure, Drame, Fantastique
Nationalité : Italien, Belge
Durée : 2h21min

Synopsis :
Rome, 1943, sous occupation nazie, la Ville éternelle accueille le cirque où travaillent Matilde, Cencio, Fulvio et Mario comme phénomènes de foire. Israel, le propriétaire du cirque et figure paternelle de cette petite famille, tente d'organiser leur fuite vers l’Amérique, mais il disparaît. Privés de foyer et de protection, dans une société où ils n’ont plus leur place, les quatre « Freaks » vont tenter de survivre dans un monde en guerre…



Critique :

Nous l’avions découvert avec On l’appelle Jeeg Robot en 2017, Gabriele Mainetti est de retour avec Freaks Out, un film fantastique aux accents baroques, foutraque et foisonnant d’idées, qui ne laisse pas indifférent.

Le réalisateur se positionne comme une véritable figure de proue d’un nouvel élan cinématographique italien. Dans On l’appelle Jeeg Robot, il avait refaçonné avec audace le personnage du super-héros. Il continue dans sa lancée dans ce nouveau film, où il pose sa caméra sur un cirque tout à fait singulier.

Tout est illusion” nous prévient le propriétaire, Israel (nom prophétique pour un juif sur le point d’être raflé par les nazis implantés en Italie). Freaks Out nous invite à l’intérieur du chapiteau, où les membres du cirque se succèdent pour émerveiller ou effrayer le public. Censio est capable de commander aux insectes tout ce qu’il veut. Fulvio, l’homme-loup, détient une force colossale. Mario peut aimenter son corps à l’envie. Et enfin, Matilde est électrique. Si elle peut allumer des ampoules simplement en les touchant, elle ne peut entrer en contact physique avec personne sans électrocuter (son histoire nous fait évidemment penser à Malicia du film X-Men). Nous comprenons bien vite que la phrase prononcée par Israel était fausse : dans ce petit cirque, tout le monde possède de véritables pouvoirs. L’illusion annoncée était peut-être la sérénité dans laquelle les forains et le public vivaient leur vie. La guerre fait irruption dans le cadre et apporte avec elle toute la violence de la Seconde Guerre mondiale. Les corps volent, les bombes explosent, le sang gicle. L’émerveillement magique du cirque disparaît.

Freaks Out suit ces “monstres” alors qu’ils essaient de survivre dans ce nouveau monde détruit. Les tensions sont inévitables et la précarité de leur situation les oblige à prendre une décision : partir ou rester ? L’Amérique ressemble à une porte de secours toute trouvée et Israel, avec les précieuses économies de la troupe, part à la recherche des billets pour la liberté. Mais il ne revient pas, embarquant avec lui l’argent et leur dernier espoir.

© Metropolitan FilmExport

Puisant dans le récit classique super-héroïque, Gabriele Mainetti repousse sans cesse les codes du genre pour extraire une histoire vivante et ambitieuse. Comprenant le besoin inhérent d’un bon méchant, il nous offre le personnage de Franz, un militaire raté, devenu dirigeant d’un cirque nazi par dépit plus que par ambition. Comme nos héros et notre héroïne, il détient un pouvoir qui le rend différent de ses pairs. S’appellant lui-même le “Cassandre du IIIe Reich”, il voit l’avenir dans des rêves bizarroïdes provoqués par sa consommation d’éther, où il est témoin de la chute d’Hitler et de la fin de la guerre. Personne ne le croit évidemment. Il s’immerge dans sa quête pour trouver “quatre fantastiques” personnes, dotés de pouvoir comme lui, qu’il offrirait à Hitler pour changer le cours de l’Histoire.

Le réalisateur réussit aisément à ancrer les éléments fantastiques au sein de la réalité de la guerre. La violence de ce monde est d'autant plus palpable car les personnages sont des outsiders, des monstres de foire. Il place également des rapport de force genrés au sein de la petite troupe. Si tout le monde subit la violence par rapport à leurs pouvoirs, Matilde subit une violence bien spécifique : celle des agressions sexuelles liées à son genre. Son pouvoir est handicapant mais il la protège des hommes. Ils ne peuvent la toucher sans en payer de lourdes conséquences. Son histoire, plus tragique que celles des autres, l'oblige à apprendre à contrôler ce pouvoir dévastateur. Son arc s’apparente à une quête identitaire, où l’adolescente se transforme en femme et apprend à déterminer la puissance et les limites de son corps.

Freaks Out est une célébration d’un cinéma où les codes volent et où l’ambition remplace le marketing. Le ton, aux confins de la farce, se mélange avec de la tragédie pure et l’image délicieusement baroque de l’ensemble du film. La proposition visionnaire de Gabriele Mainetti n’est pas exempte de défauts mais à le mérite d’être suffisamment singulière pour s’imprimer dans nos rétines durablement.


Laura Enjolvy



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