[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #72. Moonstruck
© 1987 - MGM |
Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !
#72. Éclair de Lune de Norman Jewison (1987)
Dans la loin d'être si longue liste des cinéastes ayant considérablement marqué le septième art ricain autant par l'importance de leurs films que par la richesse thématiques qu'ils brassent, dépassant parfois le carcan d'une simple séance pour mieux venir nous hanter longtemps après vision, le grand Norman Jewison est clairement l'un des derniers noms cités.
Un comble quand on sait qu'il fut l'une des puissances créatives les plus vives et brillantes de l'industrie US de la seconde moitié du vingtième siècle (une époque où l'on ne demandait pas uniquement aux cinéastes d'être habiles, mais bien d'avoir une vraie personnalité et des avis tranchés caméra au poing), qu'il a touché à tous les genres - ou presque - avec un brio exceptionnel, et qu'il est l'artisan de nombreux chefs-d'oeuvre intemporels : Le Kid de Cincinnati, L'Affaire Thomas Crown , Dans la Chaleur de la Nuit, Un Violon sur le Tout, Rollerball et... Éclair de Lune (Moonstruck en v.o), sommet de comédie romantique intelligente, prenante et séduisante.
© 1987 - MGM |
Sorte de fusion poétique et un tantinet fantastique entre un classicisme digne de l'âge d'or et modernité, le film est un délice de romcom fondée sur l'abandon émotionnel et une sincérité poignante, qui marque son spectateur et ne subit absolument pas les épreuves du temps, parce qu'elle s'intéresse tout du long avec une minutie admirable, à chacun de ses personnages - même les plus " insignifiants -, tous croqués avec drôlerie, délicatesse et humanité (brillant script de John Patrick Shanley).
Catapulté dans un Little Italy plus vrai que nature où la pleine l'une fait le jour et la nuit et rend tout le monde fou d'amour, Jewison s'attache à conter un petit morceau d'existence de la famille Castorini, canevas multi-générationnel d'immigrés italiens logés sous le même toit, entre tendresse et esprit de famille aussi charmant qu'écrasant.
On suit la belle Loretta, une célibataire endurcie qui, pour chasser le souvenir d'un premier mariage vite avorté, se jete dans les bras d'un courtisan insistant qu'elle n'aime pas, avant de brûler de passion pour le frère cadet de celui-ci, plus libre de coeur et lui aussi fou d'elle.
Évidemment, pleine lune oblige (il faut justifier le titre autant qu'un petit côté fantastique merveilleux), tout ce petit monde va voir leurs coeurs s'emballer et les petites vérités éclatées, pour le bonheur de certains - mais pas des autres.
Petite friandise à l'italienne volontairement grandiloquente, rappelant gentiment quelques canons du genre (Sabrina et Diamants sur Canapé en tête), privilégiant l'empathie du quotidien aux frasques du glamour - malgré une sublime séquence à l'opéra -, Moonstruck charme par la finesse des thématiques qu'il brasse, du romantisme impétueux a la chaleur rassurante de la famille, en passant par le désir brûlant d'un abandon plein de promesse et la nécessité vitale de savoir qui nous sommes et ce que nous voulons dans la vie pour pleinement goûter au bonheur.
© 1987 - MGM |
Porté par des seconds-rôles succulents (Olympia Dukakis et Vincent Gardenia sont parfaits), mais surtout un couple Cher (touchante et littéralement à tomber en fiancée égarée) et Nicolas Cage (qui cabotine joyeusement en frangin revanchard et passionné) à l'alchimie incroyable, le dernier grand film de Norman Jewison est une rayonnante comédie romantique éloquente au coeur léger, et une vraie pépite méconnue du genre.
Jonathan Chevrier