[CRITIQUE] : Le Roi
Réalisateur : David Michôd
Acteurs : Thimothée Chalamet, Robert Pattinson, Ben Mendelsohn, Joel Edgerton, Lily-Rose Depp,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Historique, Drame, Biopic.
Nationalité : Britannique, Hongrois.
Durée : 2h20min
Synopsis :
Hal, jeune prince rebelle, tourne le dos à la royauté pour vivre auprès du peuple. Mais à la mort de son père, le tyrannique Henri IV d'Angleterre, Hal ne peut plus échapper au destin qu'il tentait de fuir et est couronné roi à son tour. Le jeune Henri V doit désormais affronter le désordre politique et la guerre que son père a laissés derrière lui, mais aussi le passé qui resurgit, notamment sa relation avec son ami et mentor John Falstaff, un chevalier alcoolique.
Critique :
Rejetant sans le moindre remords le verbe de Shakespeare et la véracité de l'histoire,#TheKing préfère bien + les empoignades musclées et l'ambiance putride du pouvoir que la poésie et incarne, malgré quelques longueurs, un épique et noir drame médiéval à la mise en scène enlevée pic.twitter.com/0eXlfrLP8V— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) November 1, 2019
Il y avait une certitude dans l'idée que le cinéaste David Michôd et le comédien/scénariste Joel Edgerton, n'allaient pas s'adonner à une relecture classique de l'oeuvre de William Shakespeare, en s'attaquant au destin extraordinaire d'Henry V, mais de là à imaginer une relecture de fond en comble et très libre, il y a un pas que l'on était pas forcément prêt à franchir, même en ayant parfaitement connaissance du cinéma du papa de The Rover.
Rejetant sans le moindre remords le séduisant et riche langage du dramaturge (et ses monologues imposants) tout en adaptant sans grand souci de fidélité la source de ses écrits - Henry IV, Parties 1 et 2 et Henry V -, Le Roi déchire l'histoire pour mieux lui préférer le sang et la furie du champ de bataille médiéval, dans une apologie du chaos prenante mais exténuante, aussi longue que l'ascension du fameux roi fût aussi soudaine qu'inquiète.
Pas forcément fidèle - et le mot est faible -, le film se part donc d'une réinvention loin d'être désagréable sur de nombreux points, notamment la réécriture conséquente du personnage de Falstaff, qui prend ici bien plus d'ampleur (plus sage même si plus alcoolique également), mais qui ne le motive pas pourtant, étrangement, à le faire quitter le sillon manichéen que suivent la plupart des adaptations sur grand écran de Shakespeare, entre révérence laborieuse et intensité dramatique pas toujours pregnante.
Plus dommageable, il semble même de manière totalement incompréhensible, s'obliger à éviter toute subversion ou toute légèreté (autre que la prestation jouissive et avec accent, d'un Robert Pattinson en forme), castrant presque le jeu théâtrale d'un Thimothée Chalamet impliqué.
N'ayant pas tant de possibilité que cela pour pleinement s'exprimer, il est contraint à réprimer ses ardeurs pourtant essentielles pour appuyer la vision particulièrement sombre du jeune monarque, pas forcément toujours aidé non plus par une écriture torturée et rigide, qui alourdi presque toute la caractérisation des personnages, excepté celui que le métrage réinvente totalement : Falstaff, sidekick caustique las de la violence et de l'absurdité du monde.
En résulte tout de même une représentation solennelle d'Henry V, entre médisance du sang versé par son paternel - qui ne l'aime pas -, poids d'un héritage presque insurmontable (et non désiré, qu'il endosse dans la peur de reproduire les erreurs de ses aînés) et obligation de répondre présent sur le terrain de la guerre, pour mieux être le guerrier ultime de toute une nation qu'il est destiné à être.
Un homme profondément idéaliste, mais qui va peu à peu se laisser bouffer par l'ivresse et la folie pure du pouvoir.
En voulant courir trop de lièvres à la fois tout en se perdant dans une exposition séduisante mais effroyablement longue, peinant à mener à la formidable bataille d'Agincourt (qui aboutira à la formidable joute verbale entre Henry et sa future femme Catherine, campée par Lily-Rose Depp), The King ne se donne jamais pleinement les moyens de ses ambitions sur le papier, trahie Shakespeare et l'histoire (sacrilège... ou pas) tout en se les donnant furieusement à l'écran, incarnant un fougueux et efficace drame médiéval à la mise en scène enlevée (une incroyable sens du cadre et des espaces, qui rappelle les merveilleux plans du désert chaotique australien de The Rover), réellement sérieux et muée par plus de vie et de dynamisme que son matériau d'origine.
La poésie en moins donc, mais les empoignades musclées et l'ambiance putride du pouvoir en plus, et c'est ce qui en fait clairement sa valeur ajoutée au final (et ce qui fait pencher la balance vers le positif et non le négatif), un pur bonheur d'esthétisme brutal et noir à l'esprit épique ravageur.
Jonathan Chevrier