[CRITIQUE] : Private War
Réalisateur : Matthew Heineman
Acteurs : Rosamund Pike, Jamie Dornan, Taron Egerton,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Drame, Biopic.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h56min
Synopsis :
Dans un monde dévasté par les conflits, Marie Colvin est l'une des correspondantes de guerre les plus célèbres de notre époque. Son esprit intrépide et rebelle, sa volonté de donner la parole aux sans voix, sa capacité à constamment tester ses limites font d’elle une frondeuse qu’aucune élite ni dictateur n’effraient. Jusqu’au jour où, accompagnée du photographe de guerre Paul Conroy, elle entreprend la mission la plus dangereuse de sa vie dans la ville syrienne assiégée de Homs.
Critique :
Si #PrivateWar couvre la carrière troublée et passionnée de la journaliste Marie Colvin, c'est pour mieux incarner non pas un biopic manichéen mais bien une étude psychologique intimement angoissante, grisante et émouvante sur l'obsession d'une femme a percer la vérité du terrain pic.twitter.com/gr8qXEtbTr— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) November 1, 2019
Il y a quelque d'infiniment frustrant dans le fait de devoir découvrir des films potentiellement importants, autant dans l'histoire qu'ils véhiculent que par le talent certains des artisans qui l'habitent, non pas en salles mais directement dans les bacs à DVD et Blu-ray, qui plus est via une sortie tellement discrète que s'en est presque indécent.
Attendu comme ce qui pouvait être comme un pur candidat aux statuettes dorées, Private War de Matthew Heineman devra injustement se contenter d'une exploitation dans l'anonymat par chez nous, balancé aveuglément au coeur d'un dernier trimestre ciné affreusement riche en péloches alléchantes, un comble quand on sait qu'il est, sans forcer, l'un des biopics les plus prenant et brillament orchestrés de l'année, dominé de la tête et des épaules par une comédienne habitée, en totale osmose avec son personnage.
Objet de cinéma sincère, basé sur un article de Marie Brenner publié dans Vanity Fair, le film couvre la carrière troublée et passionnée de la correspondante de guerre Marie Colvin (décédée en plein bombardements à l'âge de 56 ans le 22 février 2012 à Homs, en Syrie), pour mieux incarner non pas un biopic ciblé calibré et manichéen sur une figure légendaire - et tragique - du journalisme, mais bel et bien une étude psychologique profondément angoissante, intime et émouvante sur l'obsession inébranlable d'une femme a percer la vérité (souvent) atroce du terrain, pour mieux la combattre dans les médias et en faire une connaissance commune.
À moitié aveuglé par des éclats d'obus au Sri Lanka, mais toujours déterminé comme personne, Colvin, incarnée par une Rosamund Pike incroyable (elle ne joue pas son rôle, elle l'est jusqu'au bout des ongles), écume autant les paquets de cigarettes à une vitesse alarmante, que les conflits mondiaux qu'elle couvre avec appréhension et courage (et excitation aussi, tant elle est accroc l'adrénaline et du coeur de l'action), prouvant que peu importe l'endroit, les larmes, le flou des combats et le nombre fou de victimes - dont elle se fait le porte-drapeau -, le résultat est le même pour toud les innocents : la souffrance, implacable et trop souvent impunis.
Un quotidien chaotique - que le film retranscrit avec un souci de frisson du réel enivrant -, qui n'est pas forcément plus rose quand elle s'éloigne de la cruauté du monde tant les brèves irruptions urbaines, laissent transparaître les fêlures d'une vie personnelle cataclysmique, d'une âme saine (mais au syndrome post-traumatique certain), mais qui se sent bien plus paniquée sur la scène d'une remise de prix que sous le feu brûlant du champ de bataille.
Une femme formidablement complexe, dont l'accomplissement personnel se faisait au détriment de conflits intimes, qui craignait à la fois de mourir jeune mais également de vieillir, à laquelle Matthew Heineman rend un hommage cru, tendu et vibrant avec Private War, qui résiste à la psychanalyse facile malgré des défauts évidents, pour incarner une oeuvre intimidante certes, mais réellement nécessaire.
Jonathan Chevrier