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[CRITIQUE/RESSORTIE] : La trilogie Histoires de fantômes chinois


La trilogie de Histoires de fantômes chinois Ching Siu-Tung (1987 - 1990 - 1991), ressortie en salles (et bientôt dans les bacs) en édition restaurée via Metropolitan FilmExport.





Passé les deux hits du roi John Woo, les monuments À Toute Épreuve et The Killer (toujours en salles), Metropolitan FilmExport continue de gâter les cinéphiles avec son catalogue HK remasterisé en rajoutant un nouveau cadeau sous le sapin : une ressortie toute pimpante de la géniale trilogie Histoires de fantômes chinois de Ching Siu-Tung (maitre debla cascade, dont le cinéma n'atteindra finalement jamais d'aussi hauts sommets par la suite), symbole étincelant de l'âge d'or du cinéma hongkongais et de la toute liberté d'une industrie capable d'unir les genres (même les moins prompt au mariage forcé) dans un ballet des sens à la fois profondément spectaculaire, grisant et même parfois, un brin émouvant.

Tout autant remake affirmé de L'ombre enchanteresse de Li Han-hsiang, que libre adaptation de la nouvelle L'Étui merveilleux du recueil de Pu Songling, Liaozhai zhiyi aka Contes extraordinaires du pavillon du loisir, par la plume pleine de finesse de Yuen Kai-chi (Il était une fois en Chine de Tsui Hark, ici - évidemment - à la production), le premier long-métrage réussit la gymnastique complexe d'emballer un divertissement à l'énergie furieusement hyperkinétique tout en ne quittant jamais réellement les draps cotonneux du classicisme, au coeur d'une odyssée hybride et protéiforme, union entre le film d'arts martiaux et la comédie burlesque, le mélodrame romantique et l'héroïc-fantasy à - plus où moins forte - tendance horrifique, tout du long noué autour de l'histoire d'amour impossible entre entre un précepteur des impôts un brin timide mais surtout très candide, Ning Tsai-shen (un Leslie Cheung en phase d'explosion), et l'adorable Nieh Hsiao-tsing (une Joey Wong littéralement à tomber), un spectre séduisant les hommes pour les offrir à son maître l'arbre démon.

Trip poético-fantasmagorique halluciné et hallucinant qui défie les lois de l'apesanteur comme de l'imprévisible avec une gourmandise folle, tout en portant fièrement ses influences en bandoulière (coucou Evil Dead), le film n'a jamais peur d'aller au bout de ses idées (et peut-être encore plus si elles sont inabouties), sans jamais sacrifier ni son écriture (porté par des personnages - finement croqués), ni sa mise en scène - particulièrement enlevée - sur l'autel du divertissement surréaliste, inventif et foutraque (vérité que la majorité du cinéma Hollywoodien de l'époque, n'avait pas assimilé).
Le résultat, enlacé dans les sonorités enivrantes de James Wong et Romeo Diaz, n'en est alors que plus enthousiasmant, hilarant et émouvant.

Carton maousse costaud oblige, sur ses terres comme à travers tout le globe - le boom de la VHS -, le film s'est transformé en franchise à la suite de la mise en route d'un Histoire de fantômes chinois 2 (pourquoi s'emmerder ?), qui joue pleinement la carte du blockbuster bigger and louder en laissant de côté son pendant romantique, pour épouser des aspirations sensiblement plus cartoonesques et kitsch (avec des effets plus cheaps que jamais), mais surtout une action encore plus franche et burlesque.
D'un pitch moins charnu (des années plus tard, Ning Tsai-shen, toujours obsédé par Nieh Hsiao-tsing et qui échappe de peu à une décapitation, rejoint un groupe d’activistes qui se font passer pour des fantômes pour lutter contre un prêtre démoniaque, et dont leur cheffe est le sosie parfait de son amour perdu), Siu-Tung tire une narration méchamment répétitif et bordélique (l'absence de Yuen Kai-chi est ici indéniable) que vient gentiment tromper la folie de son opéra baroque et déglingué, rythmé sans le moindre temps mort et riche en créatures surnaturelles démentes.

Plus spectaculaire et fantaisiste mais, de facto, moins savoureusement léger et drôle, ce second opus s'avère néanmoins un poil supérieur (puisque plus original, même dans ses nombreuses maladresses) que le troisième et dernier opus, tourné à la suite mais sans la moindre continuité, puisqu'il se revendique plus comme une extension (certains diront pâle redite, ce qui n'est pas totalement faux, mais disons plus une optimiste réinterprétation) du premier film, avec une écriture peut-être encore plus prétexte et un Tony Leung remplaçant joliment Leslie Cheung (permettant ainsi une réunion Woo-esque entre lui et Jackie Cheung) en jeune moine novice/héros charmé par une Joey Wong toujours aussi irrésistible (elle porte le film sur ses délicates - mais vénéneuses - épaules)

Appuyant mignon sur le champignon du grotesque (à la lisière du parodique) tout en replaçant intelligemment la romance en son coeur, sans pour autant mettre un coup de frein sur son action frénétique et ses excentricités, Histoire de fantômes chinois 3 perd en surprise ce qu'il gagne en réjouissances déviantes, et conclut une trilogie dont la générosité n'aura eu d'égale que la folie pure.
La ressortie immanquable du moment.


Jonathan Chevrier