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[CRITIQUE] : La Voix de Hind Rajab


Réalisatrice : Kaouther Ben Hania
Acteurs : Amer Hlehel, Clara Khoury, Motaz Malhees, Saja Kilani,...
Distributeur : Jour2Fête
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Tunisien, Français.
Durée : 1h29min

Synopsis :
29 janvier 2024. Les bénévoles du Croissant-Rouge reçoivent un appel d'urgence. Une fillette de six ans est piégée dans une voiture sous les tirs à Gaza et implore qu'on vienne la secourir. Tout en essayant de la garder en ligne, ils font tout leur possible pour lui envoyer une ambulance. Elle s'appelait Hind Rajab.





À une heure où les médias choisissent une manière sournoise et partiale de couvrir l'actualité, pour quiconque n'ayant pas le réflexe de se perdre dans les méandres des réseaux sociaux où, il est vrai, tout et son contraire y est affirmé telle une vérité irréfutable; le septième art est plus que jamais un outil de prise de conscience et de connaissance essentiel, pour réaliser ce qu'il se passe réellement sur notre planète.

La talentueuse cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania est clairement de ces voix qui ne taisent pas cette dure vérité dont on limite consciemment et politiquement l'écho : elle nous catapulte au plus près d'elle, l'embrasse dans toute sa crudité tragique, nous oblige à ne plus fermer les yeux.

Copyright Jour2Fête

La Voix de Hind Rajab est plus qu'un uppercut, c'est un hommage vibrant, déchirant et essentiel à quelques-unes des innombrables victimes d'un génocide dont on veut taire le nom - comme les ravages au quotidien -, à qui la réalisatrice (re)donne une voix dans une reconstitution minutieuse de sa tentative de sauvetage par l'équipe de secouristes du Croissant-Rouge palestinien à Ramallah - une opération à l'issue douloureusement funeste (ni l'enfant ni les deux ambulanciers, ne s'en sortiront).
Tout du long à la frontière entre le documentaire et la fiction (une gymnastique qui lui permet une retenue salutaire, tout autant qu'elle renforce sa volonté de ne pas se laisser à la tentation de visualiser frontalement le calvaire vécu par Hind), vissé sur le témoignage brut et emprunt de peur d'une gamine au courage et à la force incroyable, que des secouristes n'auront de cesse d'essayer de réconforter.

Un modus operandi imparable : le spectateur est témoin d'une vérité irréfutable mais n'est surtout plus passif, il est actif tant il se doit d'avoir une attention toute aussi accrue que les autres personnages sur chaque mots prononcés, alors que l'action (paradoxalement caractérisé par son manque d'action) se déroule intégralement dans les bureaux du Croissant-Rouge palestinien; bulle toute en frustrations et en impuissances face à l'absurdité comme la paralysie consentie, de tout un système bureaucratique dont la mécanique accentue volontairement le coût comme les pertes humaines.

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Filmé caméra à l'épaule pour accentuer l'immersion comme nourrir sa tension (avec un cadrage au plus près des visages et des corps angoissés, auquel s'additionne un montage clair et limpide), La Voix de Hind Rajab, qui pourra sans doute diviser formellement comme moralement (certains pourront juger, à tort, que le film instrumentalise le témoignage d'une enfant victime, même avec l'accord de sa famille), n'en reste pas moins un incroyable et douloureux mémorial sur pellicule d'une tristesse insondable, sur une catastrophe humanitaire qui se conjugue au présent depuis bien, bien trop longtemps.


Jonathan Chevrier