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[CRITIQUE] : Everybody loves Touda


Réalisateur : Nabil Ayouch
Avec : Nisrin Erradi, Joud Chamihy, Jalila Tlemsi, El Moustafa Boutankite,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Marocain.
Durée : 1h42min

Synopsis :
Touda rêve de devenir une Cheikha, une artiste traditionnelle marocaine, qui chante sans pudeur ni censure des textes de résistance, d’amour et d'émancipation, transmis depuis des générations. Se produisant tous les soirs dans les bars de sa petite ville de province sous le regard des hommes, Touda nourrit l’espoir d'un avenir meilleur pour elle et son fils. Maltraitée et humiliée, elle décide de tout quitter pour les lumières de Casablanca...



Critique :



Il est bien ironique que de nombreuses traditions véhiculées à travers les générations dans nos sociétés subissent les affres d’hommes qui pervertissent souvent par leur regard les intentions originelles. Prenez l’exemple des cheickhat, ces femmes chanteuses qui sont censées pouvoir s’exprimer librement malgré les impositions qui peuvent réguler une période historique. Malgré l’implication artistique, elles sont souvent vues par leurs spectateurs plus comme des prostituées que comme de véritables chanteuses à la liberté de parole unique. C’est justement cet aspect qui a intéressé Nabil Ayouch avec son nouveau long-métrage, Everybody loves Touda.

Copyright Nabil Ayouch

Le film suit ainsi le parcours de Touda, mère célibataire d’un jeune garçon sourd qui cherche à tout prix à éclater dans son rôle. Comme exprimé par son metteur en scène dans une interview à venir, cette quête d’ascension sociale est au sein du récit tout en se voyant constamment maltraitée par une violence masculine. L’histoire démarre ainsi par un chant qui se transforme rapidement en viol particulièrement douloureux avant la reprise d’un semblant de normalité malgré la souffrance engendrée. Nabil Ayouch capte cet aspect avec une acuité bien en soutien aux périples au sein du film, renvoyant constamment notre héroïne à des limitations pourtant opposées au rôle des cheickhat.

Nisrin Erradi éclate dans le rôle-titre, porteuse d’un espoir d’avenir meilleur malgré les obstacles qui s’amoncellent avec une lumière qui inonde tout le film. Sa prestation est peut-être le pilier central de ce long-métrage par tout ce qu’elle parvient à évoquer et invoquer avec un talent indéniable. La caméra ne peut jamais la quitter par cette fragilité qu’elle réussit à éveiller, jusqu’à une idée de mise en scène finale réussissant à concilier les différents espoirs qui vivent au sein de cette intrigue mais également une réalité de regards particulièrement douloureux à supporter en permanence.

Copyright Nabil Ayouch

Everybody loves Touda se révèle in fine un beau film social profitant aussi bien de la caméra de Nabil Ayouch que de la prestation perçante de Nisrin Erradi dans le rôle principal. C’est une œuvre chargée de souffrances féminines où le besoin de s’exprimer s’oppose à un écrasement social permanent mais dont les instants de lumière se retrouvent chargés d’un espoir vibrant. Voilà donc une bonne manière de s’intéresser au rôle passionnant des cheickhat mais aussi de découvrir, si ce n’était pas déjà le cas, une actrice particulièrement brillante en la personne de Nisrin Erradi.


Liam Debruel