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[CRITIQUE] : The Apprentice


Réalisateur : Ali Abbasi
Acteurs : Sebastian Stan, Jeremy Strong, Maria Bakalova, Martin Donovan,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Canadien, Danois, Irlandais, Américain.
Durée : 2h00min.  

Synopsis :
Véritable plongée dans les arcanes de l'empire américain, The Apprentice retrace l'ascension vers le pouvoir du jeune Donald Trump grâce à un pacte faustien avec l'avocat conservateur et entremetteur politique Roy Cohn.



Critique :



L'ironie du double sens derrière le titre du nouveau long-métrage du cinéaste dano-iranien Ali Abbasi, ne trompera personne où, tout du moins, aucun bouffeur de télé ayant un tant soit peu de mémoire : The Apprentice était l'émission de télé-réalité phare produite et animée, entre autres, par Donald Trump au coeur des années 2000, où le 45ème président des États-Unis jugeait une pluie de candidats se battant pour un poste important au sein d'une grande entreprise - un concours de talents, où le but était de ne pas se voir gueuler à la tronche le fameux " You're fired ".

Ici " l'apprenti " est donc le juge impitoyable de l'émission, Trump lui-même, dans ce qui se veut comme une plongée au cœur de l'ascension du jeune promoteur immobilier dans le New-York des 70s/80s (de 1971 à 1986, pour être plus précis), au statut de milliardaire surpuissant, grâce aux conseils prodigués par l'avocat - et fervent anticommuniste - Roy Cohn, maître du chantage et du mépris des institutions, qui le prendra sous son aile et lui apprendra, même à ses dépends, d'être le plus grand profiteur du monde.

Copyright APPRENTICE PRODUCTIONS ONTARIO INC. / PROFILE PRODUCTIONS 2 APS / TAILORED FILMS LTD / DCM

Pas un petit programme donc, pour une oeuvre qui s'avère à la fois puissante narrativement mais confuse visuellement (entre le remake au grain Scorsesien de la série Succession, et le téléfilm de luxe sauce Dynastie, le tout saupoudré d'une bande originale juke-box qui sert de marqueur temporel maladroit), visant à pointer comment le candidat à la future présidence n'est pas tant le fruit gangréné que la quintessence d'une nation au système capitaliste lui-même pourri et corrompu jusqu'à la racine, dont l'anarchie est savamment pensée et maîtrisée par les plus puissants - les années Reagan dans toute leur splendeur excessive, et qui n'ont jamais été plus proche de nous qu'aujourd'hui.

C'est par le prisme de la relation versatile entée Cohn et Trump (une symbiose toxique qui basculera vers un inévitable et brutal renversement hiérarchique) de la subjectivité grotesque de cet homme qui ne se soucie que du pouvoir et de l'argent (tout ce qui dépasse ces notions, notamment la culture, lui est d'ailleurs totalement étrangère), par son regard totalement biaisé des choses, nourrit par son égocentrisme, sa misogynie (ne serait-ce que dans son rapport à sa femme, Ivana, guère plus qu'un objet esthétique, une possession subordonnée à son seul et unique regard) et son égoïsme, que le papa de Border, qui ne masque jamais son mépris pour lui (à tel point qu'il veille à ce qu'aucun lien émotionnel ne s'établisse entre lui et le spectateur, quitte à presque humaniser Cohn à travers l'humiliation qu'il subit dans le dernier tiers du film), dresse un canevas particulièrement pertinent et percutant de l'avidité débridée qui irrigue les veines pétrolées du " pays des opportunités "; une radiographie transparente de la pensée néolibérale et purement individualiste qui sert de fondements dans les États-Unis (mais pas que) d'aujourd'hui.

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Jamais tendre autant avec son sujet qu'avec le contexte qui l'a façonné tel qu'il est aujourd'hui, cet " apprenti " qui a très vite su dépasser l'amoralité son maître pour mieux le dévorer, Ali Abbasi taille avec un ton amèrement amusé, sans jamais tombé dans l'écueil de la caricature facile et vulgaire (la réalité est, in fine, bien pire), le costard d'un prédateur d'élite qui a instinctivement su capturer l'essence même de son propre pays (voire même du pire de la nature humaine), pour mieux la démanteler et s'en servir.

Une fable cynique, sensiblement prenante et édifiante.


Jonathan Chevrier






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