[CRITIQUE] : Steppenwolf
Avec : Anna Starchenko, Berik Aitkhanov, Azamat Nigmanov, Yerkin Gubashev.,...
Distributeur : Filmo TV
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Kazakh, Russe.
Durée : 1h42min
Synopsis :
Suite à l’enlèvement de son fils par des trafiquants d’organes, en pleine guerre civile, une jeune femme est contrainte d’accepter les services du «Loup des steppes », un ex-détenu aux méthodes sadiques… y compris sur elle.
Critique :
On reste en terres conquises avec #Steppenwolf, Yerzhanov affûté où le bonhomme s'éclate toujours autant à redéfinir son cinéma qu'à déjouer les codes du néo-western et du revenge movie, pour mieux pointer les ravages d'une violence sociétale de plus en plus brutale et désespérée pic.twitter.com/qFd7cWLF6C
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 9, 2024
Une édition de l'Étrange Festival, et encore plus un trentième anniversaire, sans sa petite séance inédite du génial et prolifique cinéaste kazakh Adilkhan Yerzhanov - le Vrai chouchou de cette immanquable réunion parisienne -, ce serait un peu comme une pizza hawaïenne sans ses ananas (arrêtez vos conneries culinaires deux secondes, s'il vous plaît), un café ch'tis sans sa tartine de maroilles où pire, un cul sans sa chemise...
Une hérésie que ne connaîtra pas cette cuvée 2024 qui, à l'instar de l'édition précédente, n'en dégainera qu'un (et non deux, comme en 2022 avec Assaut et Immunité Collective) : Steppenwolf (qui a, pour inspiration assez lointaine, le roman Le loup des steppes de Herman Hesse).
On prend quand-même le cadeau, tant cela reste une vraie bénédiction d'y découvrir en avant-première son cinéma, puisqu'il n'est jamais totalement acquis que ses films aient des distributions décentes (même si l'on a pas trop à se plaindre de ce côté) dans l'hexagone.
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Qu'il fasse suite à Goliath aussi bien au sein de la sélection qu'au cœur de la filmographie du cinéaste, n'a finalement rien d'anodin tant il se fait une nouvelle incursion jouissive et peut-être encore plus affirmée, du côté du néo-western Fordien crépusculaire et brutal pour le bonhomme, à travers une odyssée violente et désespérée sous fond de soumission et de vengeance, dans une nature aussi sauvage que l'homme, vissée sur la détermination sans borne d'une mère muette à retrouver la chair de sa chair, enlevé par des trafiquants d’organes, accompagné d'un justicier/ex-taulard repenti aux méthodes expéditives (une nouvelle fois l'immense Berik Aitkhanov) et au-dessus du bien et du mal, dont l'anomalie féroce est en totale adéquation avec son univers, symbole d'une déshumanisation croissante du monde.
Regard sans concession sur une société Kazakh répressive prompt à la corruption, dans laquelle la violence et la brutalité ne font qu'emplifier la désespérance d'un peuple acculé, le film conserve la touche moderniste de son cinéaste autant que sa propension à jouer de l'absurde pour mieux pointer comment l'innocence de l'enfance, est en passe d'être bafoué par la folie et l'immoralité des adultes.
Revenge movie hybride, décalé et nuancé par un Yerzhanov qui semble toujours s'amuser à redéfinir les contours de son propre cinéma, autant qu'à pointer les ravages de la violence endémique du monde d'aujourd'hui (et de demain), autant dire qu'on ne peut que ressortir conquis de notre séance...
Jonathan Chevrier
Le prolifique réalisateur Kazakh, figure incontournable des festivals de cinéma (surtout de genre) commence gentiment à se faire un nom en France. Après les sorties en salle des très réussis A dark dark man - plongée absurde et noire dans le monde corrompu de l’administration Kazakh - et Assaut - film carpenterien tragicomique - Adilkhan Yerzhanov revient avec Steppenwolf disponible dès le 10 octobre sur Filmo.
On retrouve dans Steppenwolf la patte si particulière du cinéaste : des paysages vides filmés comme des aplats de peinture, un regard critique et distancié sur la politique de son pays et des personnages qui ont beaucoup de mal à rester dans leur case. Amoureux du genre, quel qu’il soit, le réalisateur se plaît à infuser son style dans différents type de film. Il s’attaque ici au néo western teinté de dystopie. Adepte de l’absurde et de l’humour noire, Adilkhan Yerzhanov se tourne dans Steppenwolf vers une noirceur plus absolue, une violence rentre dedans. Le sang gicle au nom d’une morale parfois un peu approximative.
Son duo de personnage, la muette et le truand, s’éloigne de ses archétypes habituels tout en restant majoritairement défini par la contradiction entre pureté et corruption. Adilkhan Yerzhanov affectionne particulièrement la dynamique entre une femme tête dure, pragmatique et va-t-en-guerre et un homme maladroit et corrompu. Dans Steppenwolf, le personnage de la mère est toujours aussi déterminée mais semble éloignée du monde pratique alors que le personnage masculin s’il est tout aussi corrompu que ses comparses est remarquablement futé et habile.
Steppenwolf vient compléter la filmographie du jeune cinéaste Kazakh avec cohérence. Le film porte un regard tout aussi critique sur son pays même si de manière moins frontale qu’habituellement et joue toujours autant avec l’absurde, cette fois-ci de manière plus noire et brutale.
Éléonore Tain