[CRITIQUE] : Langue étrangère

Réalisatrice : Claire Burger
Avec : Josefa Heinsius, Lilith Grasmug, Nina Hoss, Chiara Mastroianni,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Comédie, Comédie Dramatique, Drame.
Nationalité : Français, Allemand, Belge.
Durée : 1h45min

Synopsis :
Fanny a 17 ans et elle se cherche encore. Timide et sensible, elle peine à se faire des amis de son âge. Lorsqu'elle part en Allemagne pour un séjour linguistique, elle rencontre sa correspondante Lena, une adolescente qui rêve de s’engager politiquement.

Fanny est troublée. Pour plaire à Lena, elle est prête à tout.

Critique :

Pas toujours original dans ses réflexions et ses cheminements, #LangueÉtrangère n'en est pas moins une douce et charnelle chronique adolescente sous fond d'éveil sentimental et politique, où la cinéaste nous rappelle que les révolutions naissent de bouleversements plus intimes. pic.twitter.com/t5sU3tnZo1
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 11, 2024

Dans l'Europe de la fin des années 80, il n'y a pas qu'une barrière géographique, culturelle où même linguistique, qui sépare Leipzig de Strasbourg et pourtant, c'est dans le rapprochement tacite et symbolique entre les deux villes, par l'intermédiaire de deux adolescentes qui font fît de ses barrières, en pleine découverte qu'elles sont autant du monde que d'elles-mêmes et des affres de la vie d'adulte, que se niche le troisième long-métrage (son second en solitaire) d'une Claire Burger qui renoue, pour l'occasion, avec sa passion de croquer des figures féminines à la fois complexes, passé le magnifique C'est ça l'amour (où un Bouli Laners des grands jours, incarnait un papa débrouille qui souffre de l'absence d'une femme ayant subitement quitté le cocon familial, départ qui lui est justement reproché par ses deux gamines).

Mais loin que de simplement embrasser les courbes doucereuses du coming-of-age à fort ascendant romantique, la cinéaste fait le pari audacieux de plaquer le trouble/désarroi psychique et familial de ses deux héroïnes en pleine échange de séjours linguistiques, à ceux des maux d'une Europe aux prises avec un chaos à la fois politique, social et humain, et qui font douloureusement échos auxquels la jeunesse d'aujourd'hui, près de quarante ans plus tard, est confrontée avec peut-être encore plus d'urgence (dérèglement climatique, montée du fascisme, racisme/xénophobie décomplexée, brutalité policière,...).

Où comment la protestation collective de la jeunesse, peut aussi se faire la représentation, plus intime, d'une souffrance individuelle.
Où comment nouer la fragile construction de deux jeunes femmes en futures adultes, à celle d'une reconstruction tout aussi fragilisée politiquement et psychologiquement, de l'Europe (malade) d'aujourd'hui, à travers la confrontation de deux sensibilités - française et allemande - pas aussi dissemblables qu'elles n'en ont l'air, même dans leurs incompréhensions et leurs contradictions.

Pas toujours original ni subtil dans ses réflexions et ses cheminements, mais interrogeant plutôt habilement les notions de paraître (souvent sous influence) autant que celles des convictions et d'engagement politique, à un âge où le combat est censé être encore pur, Langue étrangère n'en est pas moins une douce et charnelle chronique adolescente sous fond d'éveil sentimental et politique, où la cinéaste nous rappelle que les révolutions naissent avant tout et surtout, de bouleversements plus intimes.

Jonathan Chevrier