[CRITIQUE/RESSORTIE] : Tangerine

Réalisateur : Sean Baker
Avec : Kitana Kiki Rodriguez, Mya Taylor, Mickey O'Hagan, James Ransone,…
Distributeur : Le Pacte / ARP Sélection
Budget : -
Genre : Comédie, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h26min

Date de sortie : 30 décembre 2015
Date de ressortie : 24 juillet 2024

Synopsis :
24 heures dans la vie d’une drôle de Cendrillon qui traverse la cité des anges à la recherche de sa rivale.

Critique :

Walk and talk touchant et corrosif, #Tangerine est un bijou de cinéma spontané et brut où Baker s'attache à des personnalités abîmées dont l'exubérance faussement hostile, essentielle pour survivre dans un monde tout en violence et humiliations, n'a d'égale que leur sensibilité. pic.twitter.com/Sd5Z6Aop0w
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) July 23, 2024

Revoir Tangerine dans une salle de cinéma (une vraie chance, pour ceux l'ayant découvert sur le tard en format physique, comme l'auteur de ses mots), une poignée de semaines après le sacré cannois de son réalisateur Sean Baker, s'est se replonger sans effort au coeur d'un cinéma authentique, fait de bric et de broc mais aussi et surtout mué d'une propension proprement exceptionnel à capturer la vérité et la singularité d'un lieu, d'un cadre, qui se fait un personnage presque aussi important que ceux qu'il met en scène.

Un foyer marginal peuplés de figures marginales et capturés presque (souvent) à la volée, dit comme cela ça semble couler de sources mais c'est l'essence même du cinéma guérilla : le cadre s'unit à l'histoire, se fait substance de la narration et de l'image, la pauvreté des moyens (l'intégralité du film a été tournée avec un iPhone 5s, un manque de moyen qui se transforme en force tant elle renforce la proximité entre les comédiens•nnes et la caméra) collant au plus près de la précarité même des personnages qui vivent à l'écran.

Quartiers marginaux d'une cité des anges qui n'a d'ange que de nom, le parcours tracé par Baker de Highland Avenue à Santa Monica Boulevard, écrasé par un soleil et une chaleur totalement disproportionnées à quelques heures de Noël (comme si la météo elle-même, était en marge de son époque), se fait un cadre au moins autant à la dérive que peut l'être l'odyssée à la fois désenchantée et désespérée de Sin-Dee Rella, une prostituée transsexuelle bien décidée à confronter son petit ami, qui l'a trompée avec une autre alors qu'elle était en prison, accompagnée malgré elle de son amie Alexandra.

Cloué avec empathie et compassion à leurs vicissitudes, pointant autant leurs défauts que leurs vertus avec une entièreté et une honnêteté rare, Baker croque des portraits de personnalités aussi abîmées que solaires dont l'exubérance faussement hostile, essentielle pour survivre dans un monde tout en violence, en discrimination et humiliations quotidiennes, n'a d'égale que leur sensibilité.

Walk and talk buddy moviesque touchant, corrosif et (souvent) drôle, Tangerine est un petit bijou de cinéma spontané à la fois brut et intime, déchiqueté et exaltant.

Jonathan Chevrier