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[CRITIQUE] : Maria


Réalisatrice : Jessica Palud
Acteurs : Anamaria VartolomeiMatt Dillon, Yvan Attal, Marie Gillain,...
Budget : -
Distributeur : Haut et Court
Genre : Biopic, Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h40min

Synopsis :
Ce film est présenté à Cannes Première au Festival de Cannes 2024.

Maria n’est plus une enfant et pas encore une adulte lorsqu’elle enflamme la pellicule d’un film sulfureux devenu culte : Le Dernier tango à Paris. Elle accède rapidement à la célébrité et devient une actrice iconique sans être préparée ni à la gloire ni au scandale…


Critique :



Dans un paysage cinématographique populaire majoritairement dominé/gangrenné par des projets simplistes (pour être poli) usant inlassablement de la même formule établie et éprouvée, le biopic estampillé moderne se sent parfois comme la proposition la plus cheap et déclinable du marché et, paradoxalement, la plus usée parce qu'elle est justement l'incarnation parfaite de la facilité, pour peu que la figure choisie ait une existence un minimum remplie (quoique).

Rares sont alors les cinéastes à essayer un tant soit peu de se démarquer de cette popote familière et redondante de l'hagiographie Wikipedia-esque, avec des histoires ambitieuses, pensées autant pour divertir que pour instruire leur auditoire.

Copyright Haut et Court

Porté par une belle sensibilité et les meilleures intentions possibles, Maria de Jessica Palud, est, malgré quelques maladresses évidentes, fait de ce type de pellicule, lui dont l'existence pourrait un peu trop hâtivement être considéré comme de ses projets qui remuent un nid de frelons ou convoque futilement un fantôme que l'on se doit de laisser en paix, mais qui arrive néanmoins à y extirper une vérité à la fois vibrante et essentielle - et encore plus aujourd'hui.
Basé sur le roman de Vanessa Schneider, Ma cousine Maria Schneider : Un mémoire, le film ne se fait pas tant un biopic stricto-sensu qu'une lente descente aux enfers vissée aux maux endurés par feu la comédienne Maria Schneider, fille d'un Daniel Gélin qui ne l'a jamais véritablement élevé, dont l'existence déjà douloureuse sera à jamais bouleversé par la production traumatisante du Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci, film qui fera d'elle une star tout autant qu'il détruira sa vie, alors qu'elle venait à peine de quitter l'adolescence.

Le scandale de la " scène du beurre ", la scène de sodomie non consentie, un viol pur et simple comme le symbole d'un abus de pouvoir croissant tout au long du tournage, pour lequel l'actrice, agressée au plus profond de sa chair, n'avait jamais été prévenu - ni par Marlon Brando son partenaire, et encore moins Bertolucci lui-même -, est au cœur même de Maria, quand bien même elle apparaît in fine assez vite au sein d'une narration qui se veut comme la mise en images des séquelles de ce choc humiliant et traumatique, sur le destin d'une femme déterminée à devenir actrice au point de boire le calice de la gloire illusoire jusqu'à la lie; une victime férocement abîmée par la perversité des hommes à laquelle elle ne pouvait échapper, et à qui l'on a trop longtemps refusé ce statut.

Copyright Haut et Court

Récit volontairement elliptique d'une tragédie dont la reconstruction restera à jamais fragile, entre mauvaises rencontres et addictions mortifères, qui a le bon ton de ne jamais masquer les zones d'ombres sans pour autant tomber dans un voyeurisme putassier (notamment dans la justesse malsaine qu'il a de pointer l'implacable mécanique de dominance entre un cinéaste tout puissant, et une jeune innocente dont il n'aura aucun mal à en faire sa proie); Maria, dominé par la prestation intense et tout en vulnérabilité d’Anamaria Vartolomei, ne fait pas vraiment dans la subtilité (cela dit plus qu'un Blonde d'Andrew Dominik), mais qu'importe.

À une heure où la parole des femmes dans le monde du cinéma - mais pas que - tend toujours aussi lentement à être écoutée et crédibilisée, ce genre de réhabilitation par la force d'un septième art qui peut s'avérer aussi magique que dévastateur entre de mauvaises mains, est un choc essentiel.


Jonathan Chevrier


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