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[CRITIQUE] : Furiosa : Une saga Mad Max


Réalisateur : George Miller
Avec : Anya Taylor-Joy, Chris Hemsworth, Tom Burke, Alyla Browne,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Action, Science-fiction.
Nationalité : Australien, Américain.
Durée : 2h28min.

Synopsis :
Le film est présenté en hors-compétition au Festival de Cannes 2024 et en avant-première mondiale.

Dans un monde en déclin, la jeune Furiosa est arrachée à la Terre Verte et capturée par une horde de motards dirigée par le redoutable Dementus. Alors qu’elle tente de survivre à la Désolation, à Immortan Joe et de retrouver le chemin de chez elle, Furiosa n’a qu’une seule obsession : la vengeance.



Critique :



C’était sans aucun doute l’un des films les plus attendus de cette année : Furiosa marque le retour de George Miller dans sa saga Mad Max presque dix ans après le dernier opus, Fury Road. Celui-ci s’était révélé un classique instantané, jouant d’une certaine épure narrative pour mieux s’y greffer diverses réflexions dans une course-poursuite quasi ininterrompue au rythme infernal. Proposer ici une préquelle sur un personnage comme Furiosa pouvait dès lors amener quelques doutes, notamment sur la pertinence du projet : fallait-il révéler le passé de ce protagoniste qui fonctionnait justement par la nature « sur l’instant » du film ? Que les personnes qui s’inquiétaient se rassurent : Furiosa constitue une claque qui mérite déjà de nombreux revisionnages pour mieux en apprécier certains points.

Copyright 2024 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.

La structure narrative change totalement de proportion, comme annoncé par ce plan montrant la planète entière pour mieux plonger vers son héroïne titre. Là où Fury Road suggérait, Furiosa dévoile plus mais avec un intérêt toujours présent. Son monde se révèle au gré d’un chapitrage qui annonce déjà la portée mythologique du récit. Il s’avère alors intéressant de mettre le personnage en partie en retrait dans son premier tiers, dans une enfance où la part belle est accordée à Dementus. Ce représentant du chaos s’avère un antagoniste de choix par son développement graduel, accentué par un vêtement dont l’évolution s’avère une idée aussi simple qu’évocatrice, comme toute bonne histoire transmise de personne en personne.

Quand le récit se voit repris par Furiosa, c’est pour mieux accentuer l’importance de la destinée de notre héroïne, bien aidée par le regard d’Anya Taylor-Joy. Ce sont ses yeux qui véhiculent le plus une certaine rage, un moteur émotionnel qui ne lâchera jamais notre protagoniste tout en étant représentatif de ses difficultés de communication. Comme toujours chez le réalisateur, l’action va alors s’avérer révélatrice, au service de la caractérisation de ses personnages, le tout avec une dynamique folle. On pense à deux gros morceaux dont la chorégraphie est un vrai modèle tout en s’avérant pertinente dans sa thématisation. Le dernier chapitre reviendra alors à une confrontation plus théâtrale, où le vide du décor souligne d’autant plus un certain parallèle sans tomber dans une écriture grossière, bien au contraire.

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Accomplissant perpétuellement l’inattendu tout en se révélant riche à souhait, Furiosa est de ces blockbusters comme on aime en voir. D’une ampleur permanente, c’est un film ne se laissant jamais dévorer par sa propre ambition pour un mythe évocateur en tous points. Neuf ans après l’exceptionnel Fury Road, George Miller revient donner un exemple de divertissement furieux, dense et symbolique qui nous laisse estomaqué, avec l’envie d’y revenir pour mieux profiter de ses diverses idées visuelles et narratives. Du grand cinéma avec du cœur à la puissance graphique implacable : voilà ce qui nous est offert en ce jour glorieux.


Liam Debruel


Copyright 2024 Warner Bros. Feature Productions Pty Limited and Domain Pictures, LLC.

À l'instar de l'infatigable et brutale quête d'essence au sein du monde post-apocalyptique de la saga Mad Max, le débat tout aussi infatigable - mais lui fatiguant - sur la présence écrasante des franchises au sein de la jungle Hollywoodiennne actuelle, fait douloureusement rage entre ceux qui procèdent lentement mais sûrement à l'extermination pure et simple de toute originalité, en franchisant à outrance tout concept un tant soit peu familier/populaire (coucou Mickey), et ceux qui tentent d'éteindre l'incendie, sans forcément totalement s'empêcher d'en raviver les braises (les quelques maigres exemples qui, inéluctablement, se voient souvent eux-mêmes transformés en franchise).

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C'est donc en tant que pompier un poil pyromane, que ce bon vieux George Miller nous revient certes avec un prequel dispensable mais alléchant à son monumental Mad Max : Fury Road (le meilleur blockbuster de la dernière décennie, tu le sais, on le sait, ton cousin germain aussi mais on le répète quand-même), Furiosa : Une saga Mad Max, qui a le bon ton, dans ses qualités comme dans ses défauts, de ne pas jouer la carte du repompage plus bruyant et spectaculaire de son plus proche ainé (renouer cet éclair de magie viscéral et frénétique, s'appuyant sur un rythme furieux, un montage volontairement chaotique et des scènes d'action réelles totalement démentes, est de ces miracles absolument impossible à reproduire, et le cinéaste australien le sait parfaitement), mais bien de déjouer les attentes en arpentant la voie, plutôt courageuse, d'un revenge movie bouillant et pluriel sauce (très) gros trip expérimental et épique, qui louche sur les fortes résonances bibliques du Dôme du Tonnerre, tout en développant encore un peu plus la mythologie foisonnante de la saga.

Non, Furiosa n'est pas Fury Road et l'idée même que ce préquel s'inscrive bien plus dans la droite lignée de la trilogie originale, est à la fois d'une logique et d'une évidence imparables.
Si le film de 2015 se faisait une histoire que beaucoup auront, vulgairement, résumé à celle d'un aller-retour sur trois jours, la narration s'étend ici sur pas moins de deux décennies et cinq chapitres comme autant de moments fondateurs noués autour de l'existence tragique de Furiosa, de son enfance en tant que captive du chef de guerre férocement maniaque Dementus, qui l'a arraché au paradis perdu et à une mère qu'il a froidement assassiné, jusqu'aux événements qui nous mèneront à sa future rencontre avec Max Rockatansky.

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À tel point que, contre toute attente - une nouvelle fois -, Miller passe autant de temps où presque entre sa jeune Furiosa (qui prend pleinement le temps de grandir à l'écran, passant d'une enfant alimentée par la vengeance à une femme guerrière et badass, qui découvre qu'elle a une plus grande mission que sa propre vendetta) que son pendant adulte, avec une confiance telle en son auditoire (trop parfois) qu'il se permet de nombreux coups de folie à travers des ellipses brouillonnes, sautant sans explication ni excuse plusieurs années, rameutant de nouveaux personnages sans exposition ni introduction.
Culotté donc, tant ce n'est pas la cohérence de sa narration qui l'importe, mais l'idée même d'imposer une humeur, un ton plus qu'un récit réellement solide.

Et c'est justement dans cette voie-là, assez bordélique même si captivante, que le fantôme du Thunderdome commence gentiment mais sûrement à pointer le bout de sa pellicule : une écriture beaucoup trop libre pour son bien, et aux résonances historico-bibliques sensiblement exacerbée.
Point de récit messianique au masculin ici cela dit (histoire de garder la même continuité féministe de Fury Road, encore plus fièrement affirmée), mais bien une Furiosa quasi-mutique qui s'en va (déjà) guider son peuple vers la terre promise, dans un opéra Wagnerien aux références plus ou moins directes mais jamais totalement prégnantes, entre un jardin d'Eden que l'on souille par la mort (le monde est détruit, détruisons donc tout espoir), un mal dément incarné par une sorte de roi à la violence sourde tout droit sorti de l'Ancien Testament, et des batailles de clans dans un désert qui a tout du Sinaï.

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Bordélique donc, d'autant que Miller renoue dans le même temps avec son penchant gourmand pour le péplum baroque, rendant encore un peu plus confus et sauvage ce revenge/coming of age movie qui se rêve sans doute plus grand qu'il ne l'est vraiment.
Mais dans un paysage, tout aussi apocalyptique finalement, du blockbuster contemporain à la Marvelisation prononcée (et c'est la où la présence du " Dieu Thor " au casting, prend un sens à la fois symbolique et merveilleusement ironique), Furiosa : Une saga Mad Max détonne et rayonne tant il ne dessert jamais sa promesse initiale : être une histoire Mad Max, pas forcément dans l'humeur de Fury Road (il n'a jamais été vendu comme ça, mais nous avons tous fait ce rapprochement), et qui n'est pas là uniquement pour jouer un jeu de pistes putassier et opportuniste avec un auditoire obligé de suivre chaque détail comme un hypothétique MacGuffin, qui sera usé - ou non - maladroitement au sein d'une storyline plus globale et bancale que celle de n'importe quel film réunit.

Avec sa sensibilité d'auteur punk, Miller nous ramène dans son monde, le Wasteland, pour mieux nous en donner un aperçu approfondit et coloré, pour mieux nous plonger dans ses secrets, son histoire et ses hiérarchies sociales fleurant bon le sang, la poudre et l'essence.
Alors certes, l'action y est moins prononcée et viscérale (avancée technologique oblige, il s'appuie bien plus dessus que pour Fury Road, et cela se sent), mais elle jouit toujours autant d'une complexité démente et d'un savoir-faire unique, qui met férocement une mandale à l'entrejambe de toute la concurrence - même de l'autre côté du Pacifique.

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Confiant en ses forces, au point peut-être d'en oublier quelques-unes de ses faiblesses, le papa de Lorenzo laisse parler la rage comme le feu et la taule dans un patchwork brutal, ou l'on est à la fois subjugué et partagé entre la performance absolument folle de Chris Hemsworth (qui surplombe presque le terrifiant Immortan Joe de Hugh Keays-Byrne), et celle tout en fureur brute et en émotion de Anya Taylor-Joy, qui transmet tout ce que l'histoire et le spectateur ont besoin (ce que la narration elle-même peine à faire), par la puissance de son regard : dans un monde tout en bruits et en agonie, c'est son silence - d'or - qui est synonyme de contrôle et, surtout, de pouvoir.

Si la comparaison directe avec Fury Road est au moins aussi inutile qu'elle le dessert (pour les bonnes comme pour les mauvaises raisons), Furiosa : Une saga Mad Max prouve une nouvelle fois une vérité essentielle : il faut toujours suivre ce bon vieux George Miller dans ses odyssées tordues et sauvages, peut importe où il nous mène.


Jonathan Chevrier