[CRITIQUE] : Foudre

Réalisatrice : Carmen Jaquier
Avec : Lilith Grasmug, Mermoz Melchior, François Revaclier, Sabine Timoteo,...
Distributeur : La Vingt-Cinquième Heure
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Suisse.
Durée : 1h32min.

Synopsis :
Été 1900, au cœur d'une vallée du sud de la Suisse. Elisabeth, 17 ans, est sur le point de prononcer ses vœux après 5 ans passés au couvent. La mort soudaine de sa sœur l'oblige à retourner dans la ferme familiale pour assumer son nouveau rôle d'aînée. Elisabeth se retrouve vite asphyxiée par cette vie de labeur et obsédée par les mystères qui entourent la disparition de sa sœur. Elle va alors chercher à s'affranchir de son statut et de ses nouveaux engagements.

Critique :

Pas toujours subtil - voire un poil trop contemplatif - mais d'une sincérité à toute épreuve, #Foudre séduit autant par sa beauté formelle que par son lyrisme saisissant, lui qui tranche avec le tout commun du coming of age à la fois dans son ton et la précision de ses cadres. pic.twitter.com/N3yUmwKZcy
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 22, 2024

Même s'il ne fait pas forcément beaucoup de boucan dans l'hexagone, sachez que, même si vous ne vous posez pas la question (sauf les trois du fond, plus pointilleux - pour être poli - que la moyenne), le cinéma suisse va bien... merci pour lui.

Nouvelle preuve en date donc avec le premier effort en solo de la wannabe cinéaste Carmen Jaquier, Foudre, plongée au cœur des Alpes suisses du début du XXe siècle, à la rugosité religieuse douloureusement exacerbée, où la caméra se fixe avec délicatesse sur les atermoiements et les émois d'une gamine en deuil, qui va profiter des magnifiques et bucoliques paysages familiaux pour amorcer son éveil au monde et au désir, dans une sorte de quête cathartique plurielle, ou elle se lance à la découverte d'elle-même, de sa sensualité et de sa sexualité, mais aussi dans une quête d'acceptation de qui elle est réellement.

Soit Elisabeth, appelée à quitter le confort du couvent ou elle était isolée, pour retrouver une maison familiale toute aussi restrictive, à la suite de la mort mystérieuse de sa sœur aînée, Innocente, qui ne l'est que de nom pour tous les villageois, un peu trop submergés - pour être poli, bis - par leur dévouement à Dieu et à la pureté.
Mais l'été fait rage - surtout sa chaleur -, la nature est chatoyante et les mots laissés par Innocente dans son journal intime sont enflammés; bref, tout pousse Elisabeth à s'éloigner de son éducation religieuse austère pour se laisser consumer par les mêmes sentiments et pulsions de sa défunte sœur.

Une rencontre inéluctable avec trois amis d'enfance, désormais devenus des jeunes mâles à l'adolescence tout aussi en fleur, façonne alors encore un peu plus la ferveur de cette saison des découvertes, ou la jeune fille va s'épanouir et goûter aux joies du désir dans le calme, l'inconnu mais surtout d'une amitié prenant vite les courbes d'un polyamour préférant la transcendance émotionnelle, la curiosité tendre et les ébats prudes/candides, aux plaisirs primaires et sauvages de la chair.
Une utopie qui ne durera qu'un temps, jusqu'à ce que la réalité de son cadre et de son époque, ne se rappelle brutalement à elle...

Embaumé dans la douce et picturale photographie de Marine Atlan (allant de pair avec la musique minimaliste de Nicolas Rabaeus), qui effleure avec délicatesse les corps comme une végétation tout aussi sensible, le film revêtit le double costume à la fois solaire et jamais trop écrasant de la chronique adolescente onirique et tout en érotisme, mais aussi la quête intense d'une émancipation/construction féminine profondément naturaliste, dans un univers excessivement patriarcal et conservateur où l'idée même de vouloir être soi et femme, est un péché à expier, à punir où à réprimer.

Pas toujours subtil - voire parfois un poil trop contemplatif -, mais d'une sincérité à toute épreuve, à l'image la prestation impressionnante de la révélation Lilith Grasmug, Foudre séduit autant par sa beauté formelle que par son lyrisme saisissant et empathique, lui qui tranche avec le tout commun du coming of age aussi bien dans son ton que dans la précision de ses cadres et de sa mise en scène confiante, assez rare pour un premier passage derrière la caméra.

Jonathan Chevrier