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[CRITIQUE] : Challengers


Réalisateur : Luca Guadagnino
Avec : Zendaya, Josh O'Connor, Mike Faist,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h11min

Synopsis :
Durant leurs études, Patrick et Art, tombent amoureux de Tashi. À la fois amis, amants et rivaux, ils voient tous les trois leurs chemins se recroiser des années plus tard. Leur passé et leur présent s’entrechoquent et des tensions jusque-là inavouées refont surface.



Critique :



L'industrie américaine, à l'instar de toute sa nation dont la politique se fait de plus en plus coercitive (interdiction quasi-complète de l'avortement, l'aide médicale aux mineure transgenres,...), est fermement ancré dans une phase de puritanisme exacerbé, une purge " Disney " aussi ridicule et contradictoire qu'elle est restrictive, ou la sexualité voire même toute idée de sensualité (rien qu'un baiser un tant soit peu torride et passionné), semble volontairement et négativement gommée des blockbusters/superproductions actuelles.

Tout le monde est beau et physiquement au sommet de sa forme oui, mais aucune excitation à l'horizon, on reste pleinement fragile de la fesse et on bande - littéralement - mou... ouch.

Copyright 2023 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All Rights Reserved

À tel point que dans ce désert sous-excité, un film comme le dernier en date de Luca Guadagnino, Challengers, quand bien même il ne représente pas une incroyable fête du slip sur le circuit du tennis professionnel (Adrian Lyne, ou es-tu ???), apparaît presque comme une anomalie, un timide mais réel pied de nez, à l'instar du tout aussi récent Pauvres Créatures de Yórgos Lánthimos.
Anomalie parce que porté par une physicalité, une sensualité affirmée tant elle est marquée au cœur d'un drame romantico-sportif aux émotions vives et à l'énergie agressive, ou l'importance réside autant dans la victoire sur le court qu'en-dehors, dans la domination primale de son adversaire au point que les vérités du sport et des cœurs se percutent, se confondent.

Tout tourne autour du volcan/personnage de Tashi Donaldson, ancienne gloire du tennis dont la carrière s'est tragiquement terminée à la suite d'une blessure traumatique du genou.
Après avoir abandonné à contrecœur et non sans rancunes, ce sport qui promettait de tout lui donner, elle est devenue le coach de son mari tennisman, Art, qu'elle a mené aux sommets de l'ATP jusqu'à ce que le bonhomme se perde, son manque de confiance minant autant ses performances que leur mariage.
Dans un ultime effort pour relancer son tennis et même leur union, elle l'inscrit à un petite tournoi local où il se retrouve à affronter Patrick, un ancien ami devenu ennemi, qui fut également l'ex-petit ami de Tashi...

Copyright 2023 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All Rights Reserved

Ce qui apparaît, de prime abord, comme un potentiel électrochoc professionnel et émotionnel mâtiné de colère et de jalousie, s'avère in fine que la face immergée d'un iceberg narratif savoureusement plus dense qu'il n'en a l'air, ou les nombreux flashbacks ne font qu'intensifier les révélations autour de l'exploration trouble des relations complexes et enchevêtrées de ce trio diablement sexy et ambitieux.
Fruit du dramaturge et musicien Justin Kuritzkes, le scénario bien que parfois un poil trop sur-explicatif, fait preuve d'une richesse vertigineuse dans sa manière de façonner cet affrontement à trois cœurs ou chacun s'aiment, s'entraident et se blessent à - presque - égale mesure.

Et, comme dit plus haut, quand bien même Art et Patrick incarnent des pions essentiels au sein de cet échiquier resserré (Mike Faist, tout comme Josh O'Connor, ayant suffisamment de matière pour composer une solide performance), tout tourne autour du personnage de Tashi (une Zendaya tout en nuances, dans un rôle enfin à la mesure de son talent), véritable objet du désir à la fois en colère et désespérée face à la réalité du corps (une carrière et des ambitions contrecarrées par sa blessure), mais aussi en colère et jalouse face aux hommes qui continuent à jouer au jeu (sa vie ?) qui lui a tragiquement été retiré.
Une âme tout en pulsions et en contradictions, qui est assoiffé d'un amour et d'une attention qu'elle cherche pourtant continuellement à contenir, aussi conflictuelle et fragile qu'elle peut être parfois impartiale et assurée.

Copyright 2023 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All Rights Reserved

Elle est définitivement la figure la plus délicieusement complexe du long-métrage, et clairement le rouage essentiel de la dynamique sportive et sensuelle du trio, ou chacun à autant faim de victoire que de domination sur l'autre.
C'est elle qui s'approprie pleinement sa propre sexualité, qui oppose les deux hommes de sa vie, jusqu'à même les entraîner dans une étreinte passionnée commune, dans ce qui peut se voir comme une extension érotique de la compétitivité dévorante qui les animent, encore plus pour une femme qui ne peut plus repousser les limites de son propre corps sur un court.
Comme elle ne peut plus exercer de contrôle sur le sien, elle domine complètement celui des hommes de sa vie, jouit de sa liberté - physique comme sentimentale - de surfer avec comme entre les deux, qui l'a désirent autant qu'ils ont conscience qu'ils ne peuvent la garder qu'en lui étant soumis.

Mais, contre toute attente, Challengers se fait également un film sur le tennis (oui), sport loin d'être cinématographique mais que Guadagnino arrive à rendre passionnant à l'écran, lui qui voit chaque point non pas comme un simple et répétitif échange de balles, mais comme un terreau d'action et d'émotion inépuisable ou sa caméra cherche continuellement à être surprenante et vivante (même si tout ne fonctionne pas forcément, évidemment), renforcée autant par la virtuosité de la photographie enlevée de Sayombhu Mukdeeprom, que de la bande originale entêtante et haletante de Trent Reznor et Atticus Ross.

Copyright 2023 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. All Rights Reserved

Véritable anomalie (et sur de nombreux niveaux) tant rares sont les drames romantiques et sportifs ou la victoire importe presque moins que le sexe (qui unit autant qu'il attise les conflits), ou l'autonomisation féminine est encore plus exacerbée et affirmée que celle des hommes, Challengers détonne et impressionne, en incarnant une expérience à la fois profondément dense et ludique, franche et radicale.
On n'en attendait/demandait pas tant.


Jonathan Chevrier