[CRITIQUE] : Amal, un esprit libre

Réalisateur : Jawad Rhalib
Acteurs : Lubna Azabal, Fabrizio Rongione, Catherine Salée, Kenza Benboutcha,...
Distributeur : UFO Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Belge.
Durée : 1h51min.

Synopsis :
Amal, enseignante dans un lycée à Bruxelles, encourage ses élèves à s’exprimer librement. Avec ses méthodes pédagogiques audacieuses et son enthousiasme, elle va bouleverser leur vie. Jusqu’à en choquer certains. Peu à peu Amal va se sentir harcelée, menacée.

Critique :

Emprunt d'un réel sens du réalisme social, #AmalUnEspritLibre se fait tout autant un thriller haletant qu'un pamphlet avisé dans sa manière résolument frontale et loin d'être manichéenne, d’aborder la question de l’intégrisme religieux qui s'immisce dans le microcosme scolaire. pic.twitter.com/zJJsYyn3LO
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 17, 2024

Sacré geste de funambule que le troisième long-métrage de l'ancien journaliste devenu cinéaste Jawad Rhalib, Amal, un esprit libre, qui traite de deux sujets sensibles - l'intégrisme religieux et la culture islamique -, au cœur d'un double cadre qui l'est tout autant : l'éducation, pas uniquement mis à rude épreuve qu'au sein de nos propres frontières (et les hiérarchies sont tout autant sourdes et aveugles ailleurs), mais aussi et surtout une Belgique qui, comme la France, a un lourd passé colonial récent à assumer.

Pas un petit programme donc, pour une histoire vissé sur la lente descente aux enfers d'Amal (magnifique Lubna Azabal), une prof de français progressiste enseignant dans un lycée bruxellois, déterminée à inculquer un réel sentiment de cohésion sociale à ses élèves, et à effacer les frontières nouées par les différentes classes sociales et croyances religieuses.

Forte de méthodes pédagogiques tranchant un brin avec les méthodes plus conventionnels de ses collègues, elle voit son enthousiasme autant que sa bonne volonté se fragiliser alors que l'une de ses élèves, Mounia, est victime de harcèlement homophobe et que l'intégrisme commence à se pérenniser dans les salles de cours.
Et c'est en s'élevant contre cet intégrisme, soutenu par un collègue professeur, Nabil (un glaçant Fabrizio Rongione), qui donne des cours de religion coranique, tout en défendant une culture islamique plus ouverte, que l'enseignante va devoir se lancer malgré elle dans un bras de fer ou, que ce soit un l'intérieur ou à l'extérieur du système scolaire, elle semble presque seule contre tous...

Emprunt d'un vrai sens de réalisme social cru et frontal, Amal, un esprit libre se fait tout autant thriller que pamphlet dans sa façon d’aborder sans détour la question de l’intégrisme religieux qui s'immisce dans la salle de cours, tout en étant emprunt d'une volonté essentielle d'éduquer son auditoire sur l'authenticité de la culture islamique, à une heure où tout et son contraire est véhiculé à la fois par des figures réellement intégristes (qui la trahisse), que par une interprétation - volontairement - biaisé, relayée massivement par les réseaux sociaux comme par le cycle (cirque) médiatique.

Loin d'être schématique dans son approche, tant il fait se confronter deux camps de même confessions (Amal est musulmane, comme son collègue Nabil, sans que cela soit plus approfondie que de raison), à travers des personnages à la caractérisation profonde et elle-même loin d'être manichéenne (puisque subtilement esquissée, notamment par le truchement de l'enseignement - ici littéraire - scolaire et des réponses à celui-ci); Jawad Rhalib applique minutieusement sa thèse et montre toutes les forces en place, d'une institution qui préfère ne pas agir au risque d'insulter toute une communauté religieuse, au microcosme dissemblables des environnements familiaux en passant par la sur-présence destructrice des réseaux sociaux, qui amplifie toutes les violences.

En résulte une œuvre sombre mais pourtant importante, dans la façon qu'elle a de vouloir faire avancer les débats, sans pour autant masquer la dure réalité d'un quotidien ou l'espace social est de plus en plus étouffé de sa liberté.

Jonathan Chevrier