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[CRITIQUE/RESSORTIE] : L'Inondation


Réalisateur : Igor Minaev
Avec : Isabelle Huppert, Boris NevzorovMacha Lipkina,…
Distributeur : Les Films du Camelia
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Russe.
Durée : 1h40min

Date de sortie : 3 mai 1995
Date de ressortie : 28 février 2024

Synopsis :
Pour sauver son couple qui se meurt, Sophia propose a son mari Trofim d’adopter Ganka, orpheline de treize ans. L’intrusion de l’adolescente va être encore plus destructrice pour le couple.

D’après Evgueni Zamiatine.



Critique :


Au sein d'un calendrier des sorties furieusement chargé, les ressorties aux petits oignons des Films du Camélia incarnent autant une bouffée d'air frais, que la possibilité de découvrir - où de re-découvrir - des merveilles du cinéma d'hier, qui ont pour beaucoup, influencées le cinéma d'aujourd'hui (car les influences sont et ont toujours été, cyclique).
Passé le chef-d'œuvre Bellissima de Luchino Visconti fin janvier, bonjour le diamant noir L'Inondation, troisième long-métrage du cinéaste ukrainien Igor Minaev, une adaptation d'une nouvelle de l'écrivain russe Yevgyeni Zamyatin produite par feu Daniel Toscan du Plantier, à l'initiative même d'une Isabelle Huppert qui en brigue ici le rôle principal.

Un vrai film de commande donc mais avant tout et surtout un formidable mélodrame domestique vénéneux et envoûtant, ou la comédienne excelle en femme au foyer pas si désespérée, dans sa quête pour sauver un mariage qui se meurt.
Catapulté dans le Petrograd (Saint Pétersbourg) des années 20, au temps de la " nouvelle politique économie " (NEP) de Lenine, l'histoire suit les atermoiements de Sofia, une épouse menant une existence sans remous avec son mari ouvrier, le massif Trofim, mais surtout sans enfant, malgré la vie sexuelle active des deux amants.

LES FILMS DU CAMÉLIA

Craignant de perdre l'amour de sa vie et se sentant infiniment coupable de ne pas réussir à tomber enceinte, la jeune femme et son imagination définitivement trop bouillonnante pour leur bien, fomente un plan qui la mènera aux fond du gouffre : Ganka, gamine orpheline de 13 ans de leur voisin menuisier décédé, dont la présence aux yeux sombres ajoute sans le vouloir un frisson sexuel à la maison.
Quelques temps plus tard, alors que Trofim délaisse sans trembler le lit conjugal, une crue de la Neva suite à une forte tempête, va inciter Sofia à prendre les choses en main pour renverser cette rancoeur qui la dévore...

D'un romanesque cruel et d'une brutalité impartiale, pas si éloignée au fond des premiers efforts de Roman Polanski, embaumé dans une atmosphère irréelle presque dostoïevskienne (appuyé par la partition sentencieuse d'Anatoli Dergachev), ou la parole n'a presque point sa place, L'Inondation fascine et dérange, engoncé qu'il est dans un appartement qui se fait un petit théâtre des horreurs à la violence sourde, où adultère et trahison conjugale font vite exploser le curseur d'une rage/violence refoulée, incarnée par la partition tout en complexité d'une Isabelle Huppert qui n'est jamais aussi troublante et étincelante que lorsqu'elle navigue dans les eaux troubles d'une normalité de façade, perturbée et perturbante.
Elle est le phare brûlant, la madame Bovary énervée d'une expérience envoûtante, d'une excellente (re)découverte.


Jonathan Chevrier