[CRITIQUE] : Inchallah un fils
Réalisateur : Amjad Al Rasheed
Acteurs : Mouna Hawa, Seleena Rababah, Haitham Omari, Yumna Marwan,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Jordanien, Français, Saoudien, Qatari, Égyptien.
Durée : 1h53min.
Synopsis :
Jordanie, de nos jours. Après la mort soudaine de son mari, Nawal, 30 ans, doit se battre pour sa part d’héritage, afin de sauver sa fille et sa maison, dans une société où avoir un fils changerait la donne.
Critique :
Tout en anxiété et en frustration, jamais emprunt de colère et encore moins d'un fatalisme maladroit, #InchallahUnFils, plus qu'une auscultation pertinente et percutante d'une société jordanienne gangrennée par le patriarcat, est un formidable portrait de femme profond et digne. pic.twitter.com/aSvixUmyQV
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 4, 2024
Il y a quelque chose de profondément fantastique dans le fait de découvrir un nouveau cinéaste qui, dès son premier effort, semble avoir totalement assimilé le sel du septième art autant que celui de son époque, l'essence du ton d'un monde qui commence sensiblement à s'endurcir, assombrir, qu'une caméra novice et pourtant déjà experte, laisse transparaître à travers des notes amères voire même profondément désabusées, sans pour autant dénaturer les genres qu'elle met en avant avec une acuité rare.
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Estampillé premier long-métrage du wannabe cinéaste jordanien Amjad Al Rasheed, Inchallah un fils (titre infiniment sarcastique), adoubé par la dernière réunion Cannoise (premier film Jordanien sélectionné par le festival de Cannes), plonge frontalement et avec réalisme dans les problématiques et la pression oppressante omniprésente de la société patriarcale jordanienne, à travers l'histoire de Nawal (Mouna Hawa, magnifique), confrontée de plein fouet aux lois de la charia lorsque son mari, Ahmad, meurt tragiquement, dite législation islamique qui établit que ses biens et propriétés sont hérités par ses parents, puisque le mariage n'a pas donné naissance à un enfant de sexe masculin.
Une lente descente aux enfers ou le deuil n'est pas la seule douleur infligée, puisqu'elle pourrait tout simplement tout perdre, d'une voiture (symbole de son autonomie) à sa maison, en allant même jusqu'à la garde de sa propre fille, s'il est avéré qu'elle n'a plus les moyens de s'en occuper.
Chronique désespérée et à la crudité radicale, gentiment logée dans l'ombre du néoréalisme italien - à l'instar de nombreuses péloches récentes issues du cinéma iranien -, le film se fait une douloureuse et combative quête de survie d'une femme courageuse et resiliente, emprisonnée dans un univers dénué de liberté, ou sa vie - comme son corps - est conditionnée/contrôlée par une figure masculine plurielle, une oppression qui ne se limite d'ailleurs même pas à la question de classe sociale (comme on peut le voir avec le personnage de Lauren, par laquelle le thème de l'avortement est introduit).
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Tout en anxiété et en frustration, jamais emprunt de colère et encore moins d'un fatalisme maladroit, Inchallah un fils marque par la manière pertinente et percutante qu'il a de pointer la réalité terrifiante d'un patriarcat oppressif et excessif qui n'attend de la femme que silence et soumission.
Plus qu'une auscultation accrue et nécessaire de la société jordanienne, un formidable portrait de femme profond et digne, qui vaut décemment son pesant de pop-corn.
Jonathan Chevrier