[CRITIQUE/RESSORTIE] : Chasse à l'homme (Man Hunt)

Réalisateur : Fritz Lang
Avec : Walter Pidgeon, Joan Bennett, George Sanders, John Carradine, Ludwig Stossel,...
Budget : -
Distributeur : Ciné Sorbonne
Genre : Thriller, Guerre.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h38min

Date de sortie : 15 juin 1949
Date de ressortie : 24 mars 2024

Synopsis :
Thorndyke, amateur de chasse anglais, tient Hitler au bout de son fusil à lunette. Capturé avant d'avoir pu faire feu, il parvient à s'échapper. De retour en Angleterre, des nazis le traquent. Il décide de retourner en Allemagne pour en finir avec le Führer.

Critique :

Fable nerveuse sur la répudiation de la neutralité et du patriotisme, #ChasseÀLhomme (Man Hunt) sonde les tréfonds d'une humanité tout en pulsions et aux repères moraux troublés, scrutant l'épopée d'un (mauvais) chasseur qui, à la différence des dires des Inconnus, n'a pas tiré. pic.twitter.com/4iojGwJrGJ
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 31, 2024

S'il est une évidence pour beaucoup de cinéphiles que le pendant américain de la foisonnante carrière du vénéré Fritz Lang, n'a pas totalement la même grandeur que la première moitié de sa filmographie tournée dans son Allemagne natale, ce constat n'empêche pas cependant de se plonger sans réserve au coeur de ses dits efforts, tant certains méritent décemment le détour.

Sixième long-métrage en terres US pour le bonhomme après les magnifiques Furie et You Only Live Once - J'ai le droit de vivre - qui se répondent totalement -, Chasse à l'homme (Man Hunt), un temps pensé pour John Ford, est clairement de ceux-là, œuvre explicitement anti-nazis voire même, d'une certaine manière, propagandiste (puisqu'elle assume et porte en elle, comme beaucoup de films de l'époque, l'idée d'un interventionnisme américain au coeur de la Seconde Guerre mondiale, mais avec en prime l'ironie et la lucidité sur son époque de Lang), à laquelle il juxtapose des oppositions tendues entre culpabilité et innocence, destinée et libre arbitre, violence et réalité cynique.

L'histoire est vissée sur le parcours rocambolesque d'un célèbre chasseur de fauves britannique, Thorndyke, qui en pleine Seconde Guerre mondiale parvient à s'infiltrer au plus près du Berghof d'Adolf Hitler, qu'il aperçoit sur une terrasse.
Carabine en main, le bonhomme simule un tir avant d'être surpris par un garde et capturé.
Interrogé par l'officier nazi, il assure qu'il n'a pas agi sous le commandement britannique pour assassiner le chancelier allemand, mais par pur défi, pour le plaisir de la chasse.
Voyant une occasion de compromettre les autorités britanniques, l'officier lui propose de signer une confession : s'il admet avoir agi sur ordre de son gouvernement, alors il sera libéré.

Face à son refus, le nazi décidera d'organiser un simulacre de suicide, pour que sa disparition n'éveille pas les soupçons, mais Thorndyke parviendra à s'échapper, puis à quitter l'Allemagne et rejoindre un Londres brumeux où il s'aperçoit très vite que le dit officier et ses sbires, sont à sa recherche.
Un sacré bordel qui le motivera, au moment où la guerre éclatera, à se débarrasser une bonne fois pour toute de Hitler...

Fable nerveuse et inquisitrice sur les conséquences des actions et de l'inaction autant que sur la répudiation de la neutralité et du patriotisme (que Lang ne voit que comme un esprit de vengeance à sanctionner), Chasse à l'homme (Man Hunt) sonde les tréfonds d'une humanité tout en pulsions et aux repères moraux troublés, en scrutant l'épopée ambiguë et existentielle d'un chasseur dont l'élitisme guindé, ne fait que pointer la déconnexion, le délitement d'une civilisation à la dérive.

Les Inconnus avaient raison, il y a le bon et le mauvais chasseur, mais impossible de réellement différencier les deux.

Jonathan Chevrier