[CRITIQUE] : Une Famille

Réalisatrice : Christine Angot
Acteurs : -
Distributeur : Nour Films
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 1h21min.

Synopsis :
L’écrivaine Christine Angot est invitée pour des raisons professionnelles à Strasbourg, où son père a vécu jusqu’à sa mort en 1999. C’est la ville où elle l’a rencontré pour la première fois à treize ans, et où il a commencé à la violer. Sa femme et ses enfants y vivent toujours.

Angot prend une caméra, et frappe aux portes de la famille.

Critique :

Courageux tant il n'est jamais édulcoré, malgré la douloureuse réflexion personnelle qu'un tel effort exige, #UneFamille se fait une expérience brute et cathartique, une confession cinématographique brûlante et vitale par une Christine Angot qui crie des/ses vérités essentielles. pic.twitter.com/ZZ1P9iCuZG
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 21, 2024

Ce ne sera pas une adaptation de l'une de ses œuvres (quand bien même le semi-autobiographique L'inceste, fictionnalisait déjà une première fois ce traumatisme) qui marquera le premier passage derrière la caméra de la romancière et dramaturge Christine Angot, Une Famille, mais bien une histoire personnelle intense, un trauma qui a bouleversé son existence à jamais - les viols répétés de son père durant toute son enfance.

Aborder l'inceste n'est jamais chose facile et encore moins lorsque l'on en est victime, mais la wannabe cinéaste aborde ce bouleversement en revenant aux racines mêmes de cette tragédie, sa dite famille comme l'indique si bien le titre, en affrontant frontalement ce silence qu'elle a sournoisement imposé sur cette vérité, pour mieux exorciser un mal que l'écriture n'a jamais su guérir, si tenté que l'on puisse s'en remettre d'une quelconque manière.

C'est donc cette volonté d'affronter frontalement des années de douleur tacite, à la fois pleine de colère et de désespoir, qui irrigue ce documentaire à la fois brut (jusque dans sa forme, caméra au poing) et inconfortable, un regard intime et sans filtre sur les répercussions de ces événements traumatisants qui n'ont pas uniquement bouleversés que sa propre existence, mais aussi celle de sa fille, Léonore, héritière involontaire de ses maux (leur dialogue final n'en est d'ailleurs que plus puissant, ou elles parlent de cette lourde tragédie qu'elles ont toutes deux supportés), qui lui offrira une compassion salvatrice - et une opportunité, peut-être, de guérison.

Car le documentaire est capturé sous deux angles, celui d'un dialogue avec les " complices " de cette vérité tue, à qui elle intime - tout comme elle - de ne plus se taire (des séquences tendues et fortes, qui justifie très vite la colère d'Angot tant chacun ne semble vouloir affronter une vérité dont ils avaient tous pleinement conscience), ainsi que des images personnelles d'époque d'elle et de sa fille, des extraits profondément doux-amer d'une maternité ou elle tentait d'avancer, à se reconstruire sans avoir à regarder derrière elle malgré ce cauchemar qui n'avait de cesse de la hanter.

Incisif et incroyablement courageux tant il n'est jamais édulcoré, malgré la douloureuse réflexion personnelle qu'un tel effort exige, Une Famille se fait une expérience aussi cathartique qu'importante sur l'innocence brisée d'une femme, une confession cinématographique brûlante et vitale ou, au nom des victimes que l'on oblige à souffrir dans le silence (et encore plus dans la société profondément stigmatisante qui est la notre), Christine Angot crie des vérités essentielles.
Une sacrée expérience.

Jonathan Chevrier