[CRITIQUE] : Pas de vagues

Réalisateur : Teddy Lussi-Modeste
Acteurs : François Civil, Shaïn Boumedine, Bakary Kebe, Toscane Duquesne,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h32min.

Synopsis :
Julien est professeur au collège. Jeune et volontaire, il essaie de créer du lien avec sa classe en prenant sous son aile quelques élèves, dont la timide Leslie.
Ce traitement de faveur est mal perçu par certains camarades qui prêtent au professeur d'autres intentions. Julien est accusé de harcèlement.
La rumeur se propage. Le professeur et son élève se retrouvent pris chacun dans un engrenage.
Mais devant un collège qui risque de s'embraser, un seul mot d'ordre : pas de vagues...

Critique :

Sur un territoire bardé d'embûches,#PasDeVagues, loin de la cagade redoutée, n'en fait justement pas où peu, n'enferme jamais ses personnages ni leurs discours dans des archétypes faciles, et incarne une expérience étonnamment sobre, vissée sur un François Civil joliment impliqué pic.twitter.com/CCS0Qkyhpo
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 26, 2024

La promotion du troisième long-métrage de Teddy Lussi-Modeste, Pas de vagues (douce ironie que ce titre, à posteriori) pourrait presque être un cas d'école de ce qu'il ne faut pas faire, quand bien même le cinéaste - tout comme le film - n'y est pas fondamentalement pour grand chose.
Il faut dire, au-delà de son pitch (vissé sur un professeur de français jeune et volontaire, accusé de harcèlement par une élève de sa classe au collège), c'est bel et bien sa bande annonce qui laissait présager du pire avec un traitement maladroit, voire dangereusement à côté de la plaque, d'un portrait à charge d'une élève victime de harcèlement.

A une heure où la violence face au corps enseignant (et, plus directement, face à l'autorité) semble de plus en plus se démocratiser, mais aussi et surtout où la détresse estudiantine n'a - et encore - d'écoute gouvernementale que lorsque le pire est arrivé; le film semblait cocher toutes les mauvaises cases avec une gourmandise malsaine.

Mais, et comme c'est souvent le cas - encore plus sur les réseaux sociaux -, un film est un peu trop rapidement juger sur son affiche et/où sa bande annonce et, dans les faits, après vision, le film de Teddy Lussi-Modeste (qui parle d'un sujet qu'il maîtrise pleinement, puisque infiniment personnel et inspiré de sa propre expérience en tant que professeur de français), co-écrit avec Audrey Diwan, est diamétralement à l'opposé de ce que sa campagne promotionnelle avançait... tant mieux.

Loin d'être aussi manichéen que redouté, Pas de vagues épouse donc toute la complexité de son (et de ses) sujet avec une sobriété étonnante, ne blâmant pas tant la maladresse - involontaire - d'un professeur aux abois, qui jusqu'ici tentait comme il le pouvait d'enseigner et de donner le goût d'apprendre dans un cadre difficile (un établissement REP+, réseau d'éducation prioritaire plus), mais dont l'enthousiasme et l'envie de bien faire, d'être plus proche de ses élèves que la moyenne des enseignants, va inéluctablement se retourner contre lui.
Tout n'est qu'une question d'interprétation et de distance, et faute de ne pas les avoir pleinement établie dès le départ, quand bien même lui-même avait pleinement conscience de celle-ci, le champs des possibles et, évidemment, du pire, était beaucoup trop grand pour ne pas virer vers le drame.

Sur un territoire bardé d'embûches et ou tout va définitivement trop vite, Pas de vagues n'en fait justement pas où peu, n'enferme jamais ses personnages ni leurs discours dans des archétypes faciles, ne surjoue jamais la spirale infernale vécue par un professeur dont les bonnes intentions sont devenus un poison, perdu au coeur d'une introspection douloureuse autant que d'un univers éducatif où même sa hiérarchie, tout en cynisme et dissuasion, est un bâton de plus dans les roues.

Constamment au plus près d'un François Civil merveilleusement impliqué (quitte à, malheureusement, proposer des personnages secondaires un peu trop taillé à la serpe), le nouvel effort de Teddy Lussi-Modeste nous intime de voir au-delà d'un bal des rumeurs destructeur, au-delà des apparences pour tenter de déceler la vérité.
Douce ironie que le film lui-même se soit injustement fait vilipendé pour ce qu'il n'était pas...

Jonathan Chevrier