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[CRITIQUE] : Hors-Saison


Réalisateur : Stéphane Brizé
Acteurs : Guillaume Canet, Alba Rohrwacher, Sharif Andoura, Marie Drucker,...
Distributeur : Gaumont Distribution
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique, Comédie, Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h46min.

Synopsis :
Mathieu habite Paris, Alice vit dans une petite cité balnéaire dans l’ouest de la France. Il caresse la cinquantaine, c’est un acteur connu. Elle a dépassé la quarantaine, elle est professeure de piano. Ils se sont aimés il y a une quinzaine d’années. Puis séparés. Depuis, le temps est passé, chacun a suivi sa route et les plaies se sont refermées peu à peu. Quand Mathieu vient diluer sa mélancolie dans les bains à remous d’une thalasso, il retrouve Alice par hasard.



Critique :



Ayant joliment mis fin à ce qui peut se voir comme sa " trilogie anticapitaliste " autant qu'une plongée viscérale et réaliste sur la vie en entreprise, aux côtés d'un fidèle Vincent Lindon, ou il avait débuté au bas de l'échelle pour mieux pointer du bout de la caméra les sacrifiés du capitaliste moderne, avec La Loi du Marché (vissé sur un chômeur cinquantenaire condamné aux emplois précaires et faisant cruellement face à la dure réalité qu'il n'est - plus - rien aux yeux de la société), avant de surenchérir avec En Guerre (l'histoire d'un syndicaliste à nouveau poussé dans ses plus extrêmes retranchements, pour garder son emploi et empêcher la fermeture de son usine), puis de conclure avec Un Autre Monde (tout en haut de la chaîne alimentaire, auprès d'un homme ayant placé son métier de au-dessus de tout, et qui devait désormais en payer le prix fort); Stéphane Brizé revient à un cinéma définitivement moins social et engagé avec Hors-saison, chronique de deux âmes bouffées par les regrets d'une vie insatisfaisante et d'un amour impossible.

Copyright Michael Crotto

Une histoire résolument plus " banale " mais pas forcément moins intéressante sur le papier, où l'on suit donc les atermoiements d'un comédien à l'aube de ces cinquante ans (Guillaume Canet, touchant dans un nouveau rôle que l'on pourrait presque considéré comme méta), Mathieu, et d'une professeur de piano dans la quarantaine, Alice (Alba Rohrwacher, magnifique), deux êtres qui se sont aimés et brutalement séparés mais qui, alors que le premier se retire dans une station thermale de la ville balnéaire ou la seconde vie, vont tenter de raviver la flamme de leur passion/attraction commune, même de manière éphémère.

Exit Vincent Lindon donc mais aussi la précision socio-anthropologique presque Loachienne de son cinéma (même s'il fait ici de la mélancolie, un mal des privilégiés), et re-bonjour un sentimentalisme qui avait quitté le cinéaste depuis le très beau Mademoiselle Chambon, dans une auscultation autant de la solitude que des sentiments passionnés et contradictoires qui vibrent au cœur d'une romance au destin déjà scellé par le passé, flanqué dans un cadre balnéaire qui souligne à la fois métaphoriquement (l'idée d'un amour de vacances éphémère) et physiquement (ses sentiments comme la mer qui est agitée, mais n'a de cesse de s'échouer sur une plage/terre inamovible) l'impossibilité d'un retour de flammes.

Elle est une femme qui tente de se reconstruire d'un amour puissant qui l'a laissé en pièce, via un quotidien scrupuleusement pramagmatique, et qui voit revenir son ancien amant lui-même en proie à un passé qui le hante, avec qui il est en guerre au moins autant qu'il l'est avec lui-même, otage qu'il est de sa propre situation (un mariage emprisonné dans l'incompréhension, un métier ou il est prisonnier de sa propre image).

Copyright Gaumont / Alamode Film

Mais ce qui aurait pu se voir comme une réunion fantastique, une seconde chance pour reconstruire ce qui était détruit, prend vite les coutures d'un mélodrame automnal ou le ciel grisâtre de la Bretagne se fait le rugueux présage (au moins autant que la musique de Vincent Delerm) d'une vérité implacable : bien qu'ils s'aiment encore, les deux amants n'ont plus grand chose à se dire.

Autant mélodrame romantique que drame psychologique à la langueur existentielle, Hors-saison se fait une séance joliment douloureuse et intense, dominée par un superbe duo qui semble avoir savamment oublier les caméras pour s'unir à l'unisson, dans cette parenthèse loin d'être aussi enchantée qu'elle le laisse présager.


Jonathan Chevrier