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[CRITIQUE] : L'Empire


Réalisateur : Bruno Dumont
Avec : Fabrice Luchini, Camille Cottin, Lyna Khoudri, Anamaria Vartolomei, Bernard Pruvost, Philippe Jore, Brandon Vlieghe,...
Distributeur : ARP Sélection
Budget : -
Genre : Comédie, Comédie Dramatique, Drame, Science-fiction.
Nationalité : Français, Allemand, Italien, Belge, Portugais.
Durée : 1h50min.

Synopsis :
Entre Ma Loute et La Vie de Jésus, entre le ciel et la terre, Bruno Dumont nous offre une vision caustique, cruelle et déjantée de La Guerre des étoiles.



Critique :


Le cinéma de Bruno Dumont a quelque chose de particulier et très clivant au vu des différents retours à son sujet. Tandis que certaines personnes louent son approche naturaliste développant une forme de burlesque dans son réel, d’autres s’avèrent allergiques à sa proposition artistique et crient à la prétention ou au désintérêt. Ce n’est en tout cas pas L'Empire qui risque de réconcilier les deux camps tant ce nouveau long-métrage appuie de façon plus intense encore les intentions du réalisateur dans ce naturalisme burlesque avec une nouvelle ampleur.

Copyright Tessalit 2023

Comme expliqué dans l’interview qu’il nous a accordée (à retrouver ici), le premier plan du film s’ouvre sur une nature presque originelle, le personnage incarné par Lyna Khoudri étant renvoyé dans une forme de nudité se rapprochant d’Eve dans les intentions. Il s’y dégage alors un traitement assez intriguant sur le rapport au monde et à notre propre développement dans des idées très opposées. Le film s’inscrit ainsi narrativement dans une opposition en apparence binaire entre un camp du bien et un autre désignant le mal tout en narrant des zones plus floues, un mélange moral plus brouillé par le rapport à l’humanité dans ce qu’elle a de complexe et non binaire.

La proposition s’y densifie alors de manière intéressante, encore plus quand cette dualité se retrouve visuellement dans son opposition de décors. On pense particulièrement à la façon dont le vide spatial se voit nourri de vaisseaux à l’esthétique particulièrement détaillée, confrontant l’épure absolue à un cadre rempli d’un décorum quasi étouffant de symbolique. Un Fabrice Luchini théâtral à souhait se voit mis en reflet à une Camille Cottin dont le sentiment se voit quasiment expurgé. Le Nord de la France cher à Dumont trouve alors une certaine réinscription mythique, comme avec ces cavaliers à cheval qui raccrochent encore plus les wagons à une forme assez médiévale plutôt pertinente par les interrogations amenées par Dumont sur ces contrastes. Le tout se déroule dans un certain décalage de codes attendus jusque dans une conclusion qui renvoie à une abstraction du vide assez appuyée.

Copyright Tessalit 2023

L’affrontement se fait alors total dans le nouveau film de Dumont, L'Empire reprenant une dualité totale pour mieux développer la confusion sentimentale et surtout morale qui constitue l’être humain. En y apposant son naturalisme absolu, le long-métrage trouve alors une approche singulière propre au réalisateur mais perpétuant la division que peut engendrer sa vision. On peut en sortir logiquement déconcerté au vu de ses prises de décisions tonales et son imagerie ambivalente mais reste à voir jusqu’où conduira le débat réflexif que va amener cette proposition de science-fiction clairement distincte dans le paysage cinématographique français tout en s’y inscrivant totalement.


Liam Debruel


Copyright Tessalit 2023


Le parallèle est sans doute un poil grossier (au moins autant que la comparaison originelle du spectateur lambda à la célèbre saga de George Lucas, est in fine facile voire même superficielle) mais, à l'image du cinéaste, osons : Bruno Dumont ne fait définitivement pas son Star Wars avec L'Empire, mais clairement son Spaceballs, sorte de pudding spatio-science-fictionel à la fois très européen (jusque dans sa production) et furieusement franco-français (mais surtout Ch'tis), bêtement immature - un compliment ici - et volontairement ridicule, imprévisible et pourtant totalement dans la droite lignée déglinguée des précédents efforts du bonhomme.

Copyright Tessalit 2023

En mixant les genres tout en abordant le terrain sinueux de la SF gentiment métaphysique, Dumont reste instinctivement fidèle à sa propre poétique, croque avec encore plus d'excès le portrait vrillé d'une société fracturée ou le dialogue a moins sa place qu'une violence décomplexée, sanctifiée sur l'autel délirant d'une philosophie autant complexe qu'elle semble parfois tout droit sortie d'un sketch des Inconnus : oui, il y a de bons extraterrestres et de mauvais extraterrestres (dont les actions sont peu ou prou les mêmes), et ils se sont tous installés non pas dans le Bouchonnois, mais sur une Côte d'Opale plus belle que jamais.

Le bien, le mal, tout est simple et binaire (littéralement les " Zéros " contre les " Uns "), sans nuances, dans les limbes d'un absolu ou tout idée de liberté est une utopie puisque absente, disparue, asservie.
Orgie baroque qui trompe vite ses atours de films pop-corn pour mieux se déguiser en œuvre sur la physicalité et la force du corps (qui se mue, comme souvent chez le cinéaste, avant tout et surtout par pur instinct), sans jamais se départir de son identité de farce délirante, L'Empire empire - tout est dans le titre - cependant à l'orée d'un dernier virage qui ne fait que pointer la redondance d'un édifice joliment référencé (Le Seigneur des Anneaux, Twin Peaks), mais sans doute un poil trop vain pour son bien, à l'image même de ce qu'il singe finalement (jusque dans son sexisme aussi grossier qu'absurde - puisque sans contrepoint -, ou les femmes sont furieusement objectifiées et soumises à l'homme
), avec un nihilisme et un burlesque excessif évidemment plus assumé (et surtout volontaire).

Copyright Tessalit 2023

Pas de quoi casser trois pattes à un Ptit Quinquin/Coincoin donc (même pas pardon), malgré une narration tout en dualité (la représentation sobre de cadres naturelles opposées à la créativité d'un univers fantastique et surnaturel, entre le ciel et la terre où la duplicité même des personnages et des corps) et une partition en complet roue libre de sa distribution (un Fabrice Luchini sans frein et pied au plancher sur l'autoroute du cabotinage mignon).

Évidemment, quand Dumont tente de mixer Tinto Brass (pensez Il Disco volante avec feu Monica Vitti, pour les érudits du cinoche rital), Hayao Miyazaki et la créativité continue et folle de George Méliès, dans un bon gros space opera burlesque/hamburger George Lucasien à sa propre image et sur son propre territoire, ça passe ou ça casse.
Et par chez nous, ça a tendance à vraiment passer pour le moment, même si c'est au pied de biche.


Jonathan Chevrier


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