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[CRITIQUE] : Eureka


Réalisateur : Lisandro Alonso
Acteurs : Viggo Mortensen, Chiara Mastroianni, Alaina Clifford, Sadie Lapointe,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Argentin, Allemand, Français, Mexicain, Portugais.
Durée : 2h27min.

Synopsis :
Alaina est accablée par son travail d’officier de police dans la Réserve de Pine Ridge. Elle décide de ne plus répondre à sa radio.

Sa nièce, Sadie, attend son retour pendant une longue nuit, en vain. Sadie, triste, décide d’entamer son voyage avec l’aide de son grand-père. Elle s’envole dans le temps et l’espace vers l’Amérique du Sud. Elle ne regardera plus de western en noir et blanc, qui ne la représentent pas.

Tout lui semble différent quand elle commence à percevoir les rêves d’autres indiens qui habitent dans la forêt. Ses conclusions sont incertaines…

Les oiseaux ne parlent pas aux humains, mais si seulement nous pouvions les comprendre, ils auraient sans doute quelques vérités à nous transmettre. 



Critique :

En apparence, seulement en apparence (la nuance est scrupuleusement importante), Eureka, estampillé nouvel effort d'un Lisandro Alonso absent des débats depuis neuf ans et son Jauja, pourrait s'avérer un complément pas si détonnant au Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese, dans sa manière de mettre la question la culture amérindienne au cœur de son histoire - d'autant que les deux sont passés par la case Croisette en mai dernier.

Sauf que la comparaison entre le cinéaste argentin, définitivement moins prolifique que le papa de Taxi Driver, tourne assez court et heureusement, tant les deux films ne sont que le fruit des sensibilités et des obsessions dissemblables des deux faiseurs de rêves - et de cauchemars.

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Scindé en trois parties comme autant de récits (le premier peut se voir comme un prologue, le dernier comme un épilogue), de montages - fantastiques -, de styles et d'univers qui se séparent, se chevauchent, se réinventent se lient d'une manière purement thématique - mais pas que -, comme le tout d'un puzzle qui n'a de sens que lorsqu'il est complet; le sixième long-métrage d'Alonso s'articule autour d'une intention simple (mais point simpliste) : le temps n'est qu'une invention des hommes, seul l'espace à et est quelque chose de réel.
Raison de plus donc, puisqu'il n'est qu'une invention, que de le plier, le tordre à sa guise, aux besoins symboliques de son histoire mais également au gré de sa propre réflexion, métaphysique et anthropologique, sur l'humanité.

Véritable expérience mystique et énigmatique logée entre les digressions oniriques de Weerasethakul, et les questionnements identitaires et existentiels de Pasolini, jouant au funambule sur la dialectique de la vie (et donc de la mort) et du songe (spirituel), Eureka décontenance, met à l'épreuve dans sa manière d'intimer son auditoire a être constamment attentif, hypnotise dans sa manière de s'affranchir des limites physiques et géographiques (sa caméra flotte du Dakota du Sud à la jungle Amazonienne), de traiter de l'immatérialité du septième art sans jamais s'abaisser à la notion de « genre » (il effleure aussi bien le western férocement américain que le film noir, le drame mélancolique que la fresque historique, avec même un doigt de documentaire ethnographique).

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Aussi inclassable et d'une beauté saisissante que profondément aventureux et mélancolique, l'espiègle faiseur de rêve qu'est Alonso, qui a autant confiance en sa propre lecture qu'en celle de son auditoire (qui doit accepter son invitation comme un vrai et pur acte de foi cinématographique), tricote une méditation abstraite, amère et lancinante à la fois sur l'exploitation culturelle, mais aussi et surtout sur la capacité d'adaptation et de survie d'une humanité oppressée et emprisonnée à la périphérie du monde capitaliste, porteur du " progrès " qui détruit/dévore tout.

Tout le plaisir du cinéma de Lisandro Alonso réside dans ses ambiguïtés et sa poésie, dans son exigence et sa générosité, et Eureka est, définitivement, l'une de ses fresques les plus prodigieuses et renversantes.


Jonathan Chevrier


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