[CRITIQUE] : Making Of

Réalisateur : Cédric Kahn
Acteurs : Denis Podalydès, Jonathan Cohen, Stefan Crepon, Souheila Yacoub, Emmanuelle Bercot, Xavier Beauvois, Valérie Donzelli,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h54min

Synopsis :
Simon, réalisateur aguerri, débute le tournage d’un film racontant le combat d’ouvriers pour sauver leur usine. Mais entre les magouilles de son producteur, des acteurs incontrôlables et des techniciens à cran, il est vite dépassé par les événements. Abandonné par ses financiers, Simon doit affronter un conflit social avec sa propre équipe. Dans ce tournage infernal, son seul allié est le jeune figurant à qui il a confié la réalisation du making of.

Critique :

Comédie introspective et - volontairement - chaotique, #MakingOf se fait une jolie et énergique autopsie des coulisses tortueuses du septième art et du processus créatif qui l'anime - très souvent mis à rude épreuve -, gentiment logée dans l'ombre du cinéma de Nanni Moretti. pic.twitter.com/5Dc1WDWtRw
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 9, 2024

Hasard - heureux - de la dense grille des sorties hexagonales, le nouveau long-métrage du cinéaste Cédric Kahn, Making of, débarque en salles alors même sur son brillant Le Procès Goldman, qui pourrait bien faire son petit boucan lors des prochains César, est en passe de boucler son exploitation.

Point de drame procédural sauce huis clos théâtral cette fois, ou le cinéaste dégainerait un double portrait cinglant, à la fois d'un homme réellement ambiguë que celui d'une société française dont les maux d'hier font sensiblement échos à ceux d'aujourd'hui, mais un moment de cinéma tout aussi divertissant, une comédie sociale, engagée et vivante.

Le fruit d'une vraie expérience cathartique au fond, tant il semble expurger toutes appréhensions et frustrations du métier de cinéaste au travers des atermoiements du personnage miroir de Simon (un génial Denis Podalydès, comme toujours), faiseur de rêves expérimenté dont le tournage de son nouvel effort, la retranscription de l'histoire vraie d'un groupe d'ouvriers lancés dans une lutte difficile pour sauver leur usine (comment faire plus en adéquation avec la/notre réalité ?), aura tout d'un cauchemar chaotique et frénétique, le tout capturé par la caméra d'un jeune passionné de cinéma - le making of du titre.

Un film dans la mise en boîte d'un autre, qui met en avant le combat réels des uns pour mieux, symboliquement, incarner le combat d'autres pour que le dit projet existe, entre conflits et concessions.
Un recit gigogne et tout en juxtaposition comme pour mieux faire l'autopsie des coulisses tortueuses du septième art et du processus créatif qui l'anime - et est souvent mis à rude épreuve -, gentiment logé dans l'ombre du cinéma de Nanni Moretti (à la fois Mia Madre et Un Avenir Radieux) et même de la douce mélancolie de celui de François Truffaut.

Voilà le joli programme donc du treizième long-métrage de Cédric Kahn, comédie introspective et - volontairement - chaotique scindée en trois actes bien distincts, qui jongle entre réalité et fiction avec une énergie étonnante, tout autant qu'il expose les inégalités et les différentes dynamiques de pouvoir dans un élan autoréférentiel chorale et collectif joliment méta (avec un casting de vrais metteurs en scène, de Emmanuelle Bercot à Valérie Donzelli, en passant par Xavier Beauvois et Denis Podalydès), même si son écriture - notamment concernant ses personnages secondaires, passablement délaissés - le tire parfois vers le bas.

Moins incisif et définitivement plus désordonné qu'un Irma Vep, mais joliment ludique et in fine plus subtilement énervé que satirique, Making of montre comment, purgé de ses illusions pailletées, le septième art contemporain n'est qu'une industrie comme une autre, pas chiche en (gros) travers.

Jonathan Chevrier