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[CRITIQUE] : La Grâce


Réalisateur : Ilya Povolotsky
Acteurs : Maria LukyanovaGela Chitava, Eldar SafikanovKsenia Kutepova,...
Distributeur : Bodega Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Russe.
Durée : 1h59min

Synopsis :
Un père et sa fille adolescente sillonnent la Russie à bord d’un van qui contient tous leurs biens et le matériel d’un cinéma itinérant. Ils organisent des projections en plein air dans les villages reculés. Lors de leur périple, de brèves rencontres ponctuent leur solitude. Mais leur vie va basculer sur les rives de la mer de Barents…



Critique :


Il y a une force tranquille, consciente de son pouvoir hypnotique (malgré sa grosse familiarité, certes) au moins aussi bien que de sa capacité à pouvoir perdre son auditoire, qui se dégage du premier long-métrage du wannabe cinéaste russe Ilya Povolotsky, La Grâce, odyssée lancinante et savoureusement protéiforme passée par la dernière Quinzaine cannoise, prenant le pouls d'un arrière-pays russe rarement autant mis en valeur, à travers les pérégrinations silencieuses, à la périphérie de l'existence humaine et de la légalité, d'un père et de sa fille endeuillés, faisant le tour du pays en camionnette, lancés dans un voyage de 5 000 kilomètres, des montagnes du Caucase aux rives l'océan Arctique, cadre bardé d'étendues poussiéreuses et enneigées.

Copyright Blackchamber

Drame intime et quasi-mutique autour de la relation aimante mais tendue entre deux marginaux solitaires et - volontairement - anonymes, flanqués dans une camionnette qui contient tout ce qui leur est cher, et qui gagnent de maigres revenus grâce au pouvoir du septième art (un cinéma itinérant et ambulant) en organisant des séances au sein des villages reculés, souvent à la limite d'une légalité que le père n'hésite jamais à franchir pour survivre.

Austère et tout en mélancolie, cette odyssée sombre structure sa force sur ses nombreux contrastes, que ce soit les horizons désertiques et désolés (une vie à la périphérie de la modernité, où se propage l'abandon, la décadence, l'intolérance et l'exclusion sociale) opposés au confinement d'un van (anxiogène et, paradoxalement, seul foyer possible), le choc générationnel tout en incompréhension entre un père (empreint d'un sentiment de tristesse et même de défaitisme constant) et sa fille (une jeunesse tout en désespoir et en colère), mais aussi le portrait d'un pays qui a tout d'une mosaïque à la fois riche culturellement mais hermétiquement fermée sur elle-même (comme les personnages titres), ou sa population reculée doit continuellement s'en remettre à elle-même face à des institutions apathiques.

Copyright Blackchamber

Sensiblement taillé à la serpe (les personnages sont délibérément peu développés, symbole métaphorique et presque cynique, d'une population russe a l'état d'esprit mortifié), entre le récit d’autonomisation féminine tout en persévérance, le drame familial taiseux et le road movie désenchanté parfois à la lisière du documentaire, plongeant sans réserve dans la désolation et le désespoir d'une Russie reculée (et à l'agonie), La Grâce incarne un beau et lancinant voyage cinématographique et atmosphérique, rugueux et organique, épuré et sensible, qui ne bouleverse certes jamais une formule bien rodée, mais la respecte suffisamment bien pour tenir la route.


Jonathan Chevrier


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